FICHE ELEVAGE

Felipe de PABLO y ROMERO

Plan : 03.01 ou 03.02



La ganadería de PABLO ROMERO est l'une des plus importantes qui aient jamais existé. On estime à quelque 6.000 le nombre total des toros et novillos qu'elle a lidié en Espagne et ailleurs depuis sa création, en 1885, jusqu'à sa vente en 1998. C'est à Madrid que les pablorromeros ont le plus grand cartel ; ils sont en eux-mêmes un spectacle par leur présentation, leur mobilité spectaculaire, leur bravoure et leur caste... du moins quand ils sont eux-mêmes ! Ici en en-tête la photo d'un toro, qui semble berrendo capirote, lidié à Madrid le 9 avril 1888, jour de la présentation de l'élevage dans la capitale ; long, profond, on remarquera qu'il est déjà doté d'une corpulence comparable à celle du pablorromero classique actuel, et c'est d'autant plus remarquable que les toros du XIXe siècle sortent en général plus petits et plus maigres que de nos jours : le ganadero soigne l'alimentation et cherche le volume !
Il est assez rare de voir des photos de toros de cette époque, aussi voici la photo d'un toro naturalisé (il a l'air d'un novillo, mais il pourrait avoir 5 ou 6 ans : cela arrivait à cette époque avec des toros nourris seulement à l'herbe) ; il a été estoqué à Nimes par "QUINITO", le 2 septembre 1894, pour la présentation de l'élevage dans cette plaza avec REVERTE et QUINITO en mano a mano. Il portait le N°3 et s'appelait BERLADER (et non pas TABERNERO, comme l'indique l'étiquette !) ; autrefois déposé au Museum de Nimes, il a été transporté au nouveau "Musée des Cultures Taurines". Faut-il le décrire comme berrendo en negro capirote, estrellado, botinero et mosqueado ? ou comme ensabanado capirote en negro, estrellado, botinero et mosqueado ?... Nous sommes à la frontière. Il semble en tout cas manifester avec évidence la présence des sang vázquez et cabrera dans l'élevage ! - Voici encore le dessin du toro "Pié de liebre", lidié à la Maestranza de Séville le 23 avril 1900 et primé d'un "Diplôme d'honneur" : encore un ensabanado capirote (en negro), mosqueado et botinero. Et voici encore une belle illustration de la bravoure du pablorromero, surtout à une époque où elle était souvent faite de brutalité fugace que de continuité : un batacazo du début du XXe siècle. Et enfin, ce toro dont la photo orne les murs de la maison de Manolo, le dernier des Muñoz mayorales chez Pablo-Romero ; la photo est ainsi légendée : Madrid -1903- Toro de Pablo-Romero. Matador Antonio Fuentes. On notera aussi qu'en 1890, l'élevage se produit (dans quelles conditons exactement ?) à Paris à l'occasion de l'Exposition Universelle ; et que le 10 août 1898, MAZZANTINI et REVERTE combattent aux "Arènes des Amidonniers", à Toulouse, 6 toros de "Don Felipe de PABLO-ROMERO" _ ce qui, soit dit en passant, prouve que cette façon d'écrire le nom a été davantage régularisée que créée par le décret royal ultérieur ! _ Ou encore, toujours aux murs de Manolo Muñoz, cette petite affiche annonçant, à San Lúcar la Mayor,le jeudi 26 juillet 1896, pour les "festivités de sainte Anne" et "au bénéfice de l'hôpital de pauvres de cette ville", une corrida de "FELIPE DE PABLO ROMERO" avec "Fernando Gómez EL GALLO" et "Rafael Guerra GUERRITA".

Premier ganadero du nom, Felipe de PABLO y ROMERO achète en octobre 1885 la ("seconde") ganadería de Carlos CONRADI GALÍN, d'encaste pré-pablorromero, c'est-à-dire un salmigondis de castes diverses, en fort mauvais état de caste et de santé qui plus est. De ce troupeau en pleine déconfiture, il aura le génie de faire l'un des plus grands élevages de l'histoire de la ganadería brava (plus tard, Victorino MARTÍN sera l'un des rares, le seul autre peut-être, à faire encore une démonstration de cet acabit).
Voici une image synthétique de l'histoire et de la composition du troupeau PABLO-ROMERO, qui vient de l'excellente revue "Terres Taurines", dont le N°10, de novembre 2.006, est consacré à l'histoire de cette ganadería. Elle aidera à suivre le fil !

En réalité, il faut probablement apporter à cette version officielle deux correctifs, dont le second n'est pas de mince importance :

Premier correctif. _
Felipe de PABLO y ROMERO a des antécédents ganaderos dans sa famille. Du côté de son père, Felipe de PABLO y MURIEL, il a son oncle Víctor de PABLO, qui a fait combattre des toros à la Real Maestranza de Séville depuis 1853. Et du côté de sa mère, Amparo ROMERO-BALMASEDA OCHOA, il a aussi un oncle, Ramón ROMERO-BALMASEDA BARBIERI, important ganadero sévillan (1851-1862/5 seulement) qui a fait combattre ses toros non seulement à Sevilla depuis 1853, mais aussi à Madrid dès 1851 : en voici un, de 1851 à Madrid.
Dans la version officielle, très généralement admise, Felipe n'acquiert pas de bétail du côté de sa famille, ce qui ne manque pas de surprendre un peu, d'autant plus qu'en 1885, il achète au riche "colon" d'origine italienne Carlos CONRADI GALÍN un troupeau de grande renommée, certes, mais passé en totale déserrance entre les mains de Rafael LAFFITTE y CASTRO pendant 10 ans. Il n'est pas impossible que la réalité soit plus nuancée...
En 1837, à la mort de Luis ROMERO-BALMASEDA, son fils Ramón et son petit-fils par alliance Felipe de PABLO y MURIEL (mari d'Amparo) héritent de terres : donc la famille n'est pas brisée. D'autre part et surtout, "Ramón ROMERO BALMASEDA" figure sur l'arbre généalogique officiel de la ganadería PABLO-ROMERO : pourquoi donc ? Chose curieuse, il n'y est mentionné qu'au titre du reste des cabrera historiques, acheté en 1852 à Jerónima NÚÑEZ de PRADO Y AYLLÓN de LARA, sans aucune mention de ses prestigieux hidalgo barquero (2) du second élevage du chanoine Diego HIDALGO BARQUERO, achetés en 1850 : il y a bien une raison à cette mention sélective ! Or, paradoxalement, sur l'arbre généalogique PABLO-ROMERO la branche BALMASEDA se disperse dans le vide, comme si elle s'éteignait : s'il en va vraiment ainsi, à quoi bon l'y avoir fait figurer ?... En plus, alors que les descriptions les plus documentées sur la succession des élevages ne donnent qu'une seule suite (à savoir Rafael LAFFITTE LAFFITTE) à l'élevage de BALMASEDA, cette branche BALMASEDA se disperse non pas en une seule mais en trois petites branches sur l'arbre généalogique de PABLO-ROMERO : curieux !...
Ramón ROMERO-BALMASEDA BARBIERI est, par alliance, de la famille des PABLO y ROMERO. Rafael LAFFITTE y CASTRO est fils de Rafael LAFFITTE LAFFITTE et neveu de Julio LAFFITTE LAFFITTE, son successeur... lequel vend tout son élevage en 1885 à José Manuel de la CÁMARA : en même temps que Rafael LAFFITTE y CASTRO vend de son côté à Carlos CONRADI GAlÍN et que celui-ci revend aussitôt à PABLO y ROMERO. Il n'est pas interdit de penser qu'une partie (cabrera seulement ?) du bétail très réputé de BALMASEDA, vendu en 1862 (1865?) à Rafael LAFFITTE LAFFITTE, aura fini par aboutir, d'une façon ou d'une autre, entre les mains Felipe de PABLO y ROMERO, revenant ainsi dans le giron familial ! Le prélèvement, plus ou moins occulte, d'un lot de bétail dérivant vers PABLO y ROMERO peut passer inaperçu... et d'autant plus inaperçu qu'on peut jouer sur l'ambiguïté en annonçant dans les deux cas que 'mon bétail vient de LAFFITTE', et même de 'Rafael' LAFFITTE (malgré la succession à Julio, c'est Rafael qui reste la référence dans les esprits)... Si cette hypothèse n'est pas de grande importance pour la composition de l'encaste, déjà bien pourvu en cabrera, elle apporte néanmoins dans un troupeau en perdition du bétail de qualité, ce qui n'est pas rien - quand bien même ne s'agirait-il que de quelques reproducteurs.
Mais qu'est-ce qui peut rendre vraisemblable cette curieuse discrétion sur le bétail familial ? C'est sans doute la fierté. Pour Felipe, ne faut-il pas donner son seul nom à l'aventure qu'il entreprend ? Aussi tend-il à gommer ses antécédents récents au profit de ses seules ascendances lointaines et prestigieuses. Ainsi, en 1888, lors de sa présentation à Madrid puis à Sevilla, il annonce ses toros comme venant de Rafael BARBERO, soit essentiellement du cabrera X jijón... mais peut-être aussi du gallardo, car entre 1840 et 1844, il semble bien que Rafael BARBERO ait acheté à la Pâture du duc de SAN LORENZO quelque bétail (beaucoup ???) ne pouvant guère venir que de son acquisition de 1828/1840 auprès des Hermanos GALLARDO ; en tout cas, exit le piètre LAFFITE y CASTRO, exit aussi le probable bétail familial. Revenant à Madrid en 1889, il annonce cette fois une origine Duque de SAN LORENZO : exit le même LAFFITE y CASTRO, mais aussi BERMÚDEZ REINA avec ses vazqueños, et toujours le bétail familial... cette fois, c'est la lignée réputée gallardo qui ressort (ce qui, d'ailleurs, pourrait être exact si, en 10 ans, LAFFITE y CASTRO n'a pas trop mêlé avec d'autres origines les 73 vaches gallardo qu'il a trouvées en 1874 dans son achat au Duque de SAN LORENZO). En tout cas, on voit bien que Felipe PABLO y ROMERO met en avant les titres les plus prestigieux et les plus nobles de ses multiples prédécesseurs ; et comme chacun sait que son acquisition connue est en piteux état, son prestige deviendra immense quand on s'apercevra qu'il a "récupéré" la caste originelle. Manifestement, il désire entrer de plain-pied dans la légende de la Fiesta, serait-ce en gommant quelque peu ce qui pourrait amoindrir son aura ! Reconnaissons qu'il y a réussi au-delà de toute espérance !


Second correctif. _
Par contre, le second correctif est peut-être majeur car il apporterait encore, en quantité significative, du gallardo de qualité chez Pablo-Romero. Felipe de PABLO y ROMERO achète son élevage à Carlos CONRADI. Mais celui-ci venait de faire 2 achats coup sur coup :
° En 1884, c'étaient les 2/3 de l'excellente première ganadería de Ángel GONZÁLEZ NANDÍN : du varela, c'est-à-dire des étalons cabrera des origines sur des vaches de pur gallardo des origines par Domingo VARELA depuis quelque 50 ans [plus quelques ajouts mineurs] ; et qui ne semble pas avoir subi trop de vicissitudes !
° Et en 1885, c'était la ganadería de Rafael LAFFITTE y CASTRO (ganadero de 1870 à 1885) [à ne pas confondre, donc, avec son père Rafael LAFFITTE LAFFITTE puis son frère Julio (1862-1885)] : du pré-pablorromero en bien piteux état (en 1874, LAFFITTE y CASTRO avait bien trouvé 73 vaches gallardo dans son achat à BERMÚDEZ REINA, mais avait-il conservé la lignée ? et si oui, dans quel état ?... cf. ci-dessous).
Classiquement, on trouve partout que Felipe de PABLO y ROMERO aurait acquis uniquement ce second lot de bétail ; mais il est tellement métissé et en si mauvais état... Qu'est-ce qui interdit de penser qu'il aurait acquis aussi une part significative du magnifique bétail de la branche GONZÁLEZ NANDÍN ? Rien d'autre que le discours du mundillo... dont on sait qu'il cache autant qu'il révèle ! En tout cas, cela permettrait de mieux comprendre la légitimité de la référence des PABLO-ROMERO aux anciens gallardo. Car il serait tout de même peu vraisemblable que cette réputation ne repose sur rien d'autre qu'un souci... d'image ! Et il faut comprendre comment le pablorromero peut avoir cette corpulence de type gallardo, si différente du cabrera.


Il semble que Felipe, suivi par ses successeurs, reconstruise son troupeau, de toute façon disparate, en privilégiant le type et le comportement gallardo... Il contient en effet des origines diverses entremêlées dans des proportions variables et sans cohérence... [sauf dans les éventuels lots de Ángel GONZÁLEZ NANDÍN, de Rafael LAFFITTE LAFFITTE par son frère Julio (cf. les 2 "correctifs" en italique ci-dessus) ; et peut-être dans la descendance (restée à peu près intacte ??? LAFFITTE y CASTRO est si négligeant pendant 10 ans !...) des 73 vaches gallardo issues du Duque de SAN LORENZO et trouvées en 1874 par ce même Rafael LAFFITTE y CASTRO dans son achat à José BERMÚDEZ REINA]. Un oeil exercé peut probablement distinguer les vaches cabrera de grande taille, de celles plus petites de hidalgo barquero 1 et hidalgo barquero 2. Mais entre les gallardo, les cabrera, ou même les jijón, les différences physiques sont d'autant plus imperceptibles qu'un métissage aléatoire a fait son oeuvre depuis longtemps. La formidable masse musculaire des toros qui entrent en piste masque sans doute en partie la disparité des types. Par contre, elle saute aux yeux chez les vaches... sans pour autant que l'on puisse attribuer de manière certaine à chacune sa principale origine. Et 15 ans après la vente du duc de SAN LORENZO à BERMÚDEZ REINA, 10 ans après la vente de ce dernier à Rafael LAFFITTE y CASTRO, il ne doit guère rester de vache porteuse d'un fer ou d'une señal d'origine pour faciliter le tri. Mais qui, à cette époque, songe à trier ?
Comment s'y prend-il ? Bien malin qui trouvera des précisions ! Tout ce que l'on peut recueillir est de cet ordre : le nouveau propriétaire commence son itinéraire ganadero en "mettant de l'ordre dans la maison" car l'état du bétail est désastreux, suite à un parcours cahotique entre 1842 et 1885 (à partir de 1871 surtout, avec la négligence de Rafael LAFFITTE y CASTRO). Cependant, il est prudent : pour jauger le comportement de ses toros, il commence à les lidier sous son nom dans quelques arènes andalouses, mais en précisant bien qu'ils proviennent du duque de San Lorenzo et de Laffitte (lequel ?!...). Avec bien "du travail, des sacrifices et de la rigueur", il arrive à "récupérer" la caste et la renommée des anciens gallardo... ce que n'arrivera pas à obtenir son ultime descendant (mais les temps ne sont plus les mêmes !). C'est beaucoup sur les résultats mais fort peu sur les chemins pris. Les ganaderos sont jaloux de leurs intuitions et de leurs "secrets"... Soucieux de son image, Felipe veille aussi à un physique au-dessus de tout reproche : précurseur en la matière, il ne laisse pas ses toros se nourrir uniquement de l'herbe abondante de leurs pâturages, à la manière de tous ses confrères ganaderos ; il leur fournit en outre un abondant complément à base des fèves et de l'avoine qu'il produit lui-même, d'où, en regard des toros d'herbe efflanqués, leur masse musculaire imposante, leur trapío formidable et leur tonus hors du commun.
Toutefois, les informations glanées deci-delà permettent de voir que Felipe sélectionne ses vaches face au picador ; et qu'il fait de même avec ses premiers sementales, rompant en partie avec la coutume de l'époque qui consiste à laisser ensembler mâles et femelles, en laissant jouer la sélection naturelle, dont les hasards favorisent grosso modo les plus forts. Les archives de la ganadería montrent que, si paradoxale que la chose puisse paraître, les PABLO-ROMERO n'ont jamais tenu de livres rigoureux des lignées de reproducteurs de la ganadería au sens où on l'ented aujourd'hui - c'est peut-être, en raison de l'impossibilité de "rafraîchir" le sang par un apport extérieur, l'une des causes importantes des déboires subis 70 à 80 ans plus tard -. Mais Felipe ne laisse qu'une dizaine de reproducteurs sur ses meilleures vaches, ce qui resserre le spectre génétique du troupeau. Et c'est ce qui explique la nature particulière des livres que tient le ganadero : d'un côté celui des toros, où est inscrit leur comportement dans l'arène ; de l'autre celui des vaches, où la généalogie du troupeau s'étblit à partir des mères seulement... puisque le père est inconnu !
Les reproductrices paissent sur les immenses étendues de marisma de PARTIDO DE RESINA. Les toros adultes, eux, sont dans les cercados de LA HERRERÍA, à 3 km. de BENAZUZA. Les 2 ensembles ne sont séparés que par 3 petites heures de cheval. Il en ira de même pendant 100 ans, les toros restant la vitrine de la famille, sans souci de rentabilité, ce qui fait à la fois la force et la fragilité de l'élevage. C'est José MUÑOZ, campesino expérimenté de Sanlúcar, qui assure le suivi quotidien du troupeau en tant que "conocedor" : c'est le début de 4 générations de mayorales et d'autant de picadors de renom.
La réussite de Felipe lui facilitera évidemment la création d'un style "maison", qui se maintiendra jusque aux années 1980. Chez PABLO ROMERO, comme toro, on fait ce que l'on entend et cela crée une relation particulière avec les empresas (corridas déjà choisies pour tel lieu) comme avec les toreros ou leur représentant (ils ne sont pas autorisés à voir les toros avant la course). La philosophie de la maison, c'est : tout pour le public aficionado. On fait un toro pour le public, spectaculaire, avec beaucoup de responsabilité pour le torero. De 1888 à 1997, seront torées 103 corridas de PABLO-ROMERO à Madrid (le plus gros chiffre de l'histoire), 88 à Barcelona, 86 à Valencia (...) 55 à Murcia ; et dans 80% de ces plazas, ce sera à la demande du public. En 100 ans, ce seront 7.000 toros de PABLO-ROMERO lidiés.
Cependant, c'est avec difficulté (pourquoi ?), que Felipe parvient à se présenter à Madrid, le 8 avril 1888, et à acquérir l'ancienneté de son fer... même si ses toros ne peuvent pas encore l'arborer. Il a fallu s'imposer petit à petit, et il n'a pas dû y avoir beaucoup de cadeaux au début... Voici un fragment d'une affiche de 1903 à Valencia qui atteste de la côte de l'élevage au tournant du XXe siècle : les pablorromeros peuvent entrer dans une grande feria et pour des figures. La ganadería tiendra le haut du pavé pendant plus de 100 ans et entrera dans la légende grâce aux travail très soigneux maintenu au fil des générations par la famille PABLO-ROMERO... non sans quelque "bas", pudiquement tenu sous silence par la chronique comme par la critique (un "bas" qui semble avoir été déclanché par des négligences à la charnière des années 50/60, et qui est au moins l'une des causes des difficultés postérieures de l'encaste). Dans les années 1920-1930, Pepe MARZAL dira : "[La dynastie ganadera des PABLO-ROMERO] est la meilleure d'Espagne, elle est censée avoir reçu un bétail quasiment à zéro et l'avoir changé en l'une des meilleures ganaderías qui aient jamais existé." On retrouvera un jour semblable "miracle" avec Victorino MARTÍN...
Une question se pose. L'épouse de Felipe, une LLORENTE, hérite (en quelle année exactement ?...) des ARRIBAS Hermanos, Francisco et Basilio. C'est Felipe qui est chargé de la gestion (enfin... lui ou/et son fils Felipe de PABLO-ROMERO Y LLORENTE ! puisqu'il meurt en 1905 et que la vente n'intervient qu'en 1912). Il s'agit d'un excellent vistahermosa. Certains pensent que Felipe (père ou/et fils ?) en aurait introduit avec succès dans son propre élevage ; la doctrine officielle est bien sûr qu'il n'en est rien, comme au moment de la succession du Marqués de SALTILLO (Rafael RUEDA OSBORNE) lorsque ce même Felipe de PABLO-ROMERO Y LLORENTE se retrouvera exécuteur testamentaire de 1914 à 1917, car l'épouse et veuve du Marquis de SALTILLO, Encarnación de PABLO y LLORENTE, est sa propre soeur... Mais dans ce dernier cas, le croisement est avéré malgré toutes les dénégations des ganaderos successifs ! Alors disons que cet apport vistahermosa par ARRIBAS n'est pas impossible, même s'il est nié. "Mystère" quand tu nous tiens...

Dans une ganadería, il y a un personnage très important : le "conocedor", qu'on appelle aussi le "mayoral". C'est lui qui vit au plus près des toros, quasiment 24h sur 24. José MUÑOZ est celui des premiers pablorromeros ; il inaugure une véritable dynastie qui accompagnera tout l'histoire de ces toros jusqu'à aujourd'hui : après lui, son fils Manuel, puis son petit-fils Antonio jeune ici et à l'âge mûr ici, et enfin son arrière-petit fils, Manolo, toujours en fonction. Observation et mémoire sont la clé de son métier empirique. Il passe ses journées à cheval à veiller sur le cycle des reproductions puis des naisssances, à deviner les antagonismes qui naissent dans le troupeau pour essayer d'en minimiser les conséquences, à mémoriser mentalement les nombreuses lignées ou familles. En l'occurrence, il s'agit des lignées de vaches seulement, puisque les étalons sont ensemble au milieu des vaches retenues : Potrica, Potrera, Marquesa, Duquesa, Venenosa, Joyerita, Joya, Joyera... 400 noms de vaches que les conocedores sont capables de relier entre elles en indiquant leur degré de parenté (seulement par les mères, évidemment). Et même s'il y aura ensuite 2 périodes où le fil des généalogies sera un peu confus, Manolo sait aujourd'hui qu'il est un des derniers à posséder cette science.
Manolo raconte : "Mon arrière-grand-père José était picador. Il entra au service de la famille PABLO-ROMERO dès que don Felipe acheta le troupeau. Il était originaire de Alcalá de Guadaíra (à 20 km de Séville) et jouissait d'une bonne réputation dans le monde taurin." Pour démontrer la noblesse des toros dont la bravoure explosait en piste, José se fait prendre en photo dans un corral, assis sur l'arrière-train de ce joli petit toro lucero ; son fils Manuel fera de même avec cet imposant toro ensabanado ; coutumes de l'époque. Antonio, 3e conocedor de la ganadería et père de l'actuel Manolo, sera considéré comme un des grands conocedores de son temps. Mais "au début des années 70, il fut projeté avec son cheval contre une encina (chêne vert) lors d'un embarquement à LA HERRERÍA, pas très loin du corral où un de ses oncles, José MUÑOZ, s'était fait tuer par un cabestro qu'il venait de castrer. Mon père ne se remit jamais de son acident. Je venais de débuter une carrière de picador que je dus arrêter pour prendre sa suite." Car chez les MUÑOZ, on est picador de père en fils : "Depuis mon arrière-grand-père, il y eut Francisco "Curro" SANLÚCAR, un frère de mon père qui piqua des années 30 à 70 avec de nombreuses figuras. Puis ses fils, les 3 frères MUÑOZ, mes cousins germains, Manuel, Rafael et José, qui allèrent avec Paquirri, Espartaco... José est mort à Vic quand son cheval fut renversé par un toro de Victorino MARTÍN. Moi, j'ai piqué pendant 2 ans, juste après le service militaire, mais j'ai dû remplacer mon père et finalement, je suis celui de la famille qui a été mayoral le plus longtemps." Plus de 30 ans !
Manolo se souvient de tout, et il ne manque pas de finesse : "Il n'y avait jamais eu d'arène à LA HERRERÍA jusqu'à ce que Jaime en construise une. Avant lui, les tientas s'étaient toujours faites à PARTIDO DE RESINA dans l'arène en forme de quart de cercle. Petite, pas pratique. Je ne demande quelles conclusions les ganaderos tiraient de ce qu'ils voyaient. Ils passaient 40 vaches par jour, et ils s'en fichaient des faenas. Aujourd'hui, on exige plus de bravoure des vaches, on les laisse plus longtemps dans une arène plus grande, on leur donne toutes les possibilités de renoncer pour vérifier qu'elles sont réellement braves. Tourt cela n'existait pas chez les ganaderos anciens. Ils voulaient du spectacle au cheval et les pablorromertos commencèrent à se moderniser un peu avec Felipe (1975), puis Jaime (1986) surtout. Mais depuis les années 40, le toreo était parti vers d'autres latitudes et les PABLO-ROMERO n'avaient pas évolué. Ils étaient restés enfermés dans leur philosophie du siècle passé : ils prétendaient créer leur toro pour le public, sans savoir que les goûts du public avaient changé." Éternelle question !...

Courses et toros célèbres
Les toros "CARCELERO", "CALZONERO", "COCHINITO", "CAPARROTA" et "TROMPETERO" ont laissé un grand souvenir à Madrid.
On note aussi, plus précisément :
° A Cádiz le 17 avril 1895 , "MOLINERO", "CERRAJERO", "CAPUCHINO" et "CAMAMA" prennent 49 piques. Le premier met hors de combat les picadors GALLARDO, TRIGO et CALDERÓN, excusez du peu ! Ils provoquent 22 chutes et tuent 23 chevaux (sans protection jusqu'en 1928).
° A Madrid pour la présentation, le 9 avril 1888, "CHATO" et "CUCHILLERO" entrent dans l'histoire ganadera (cf. la fiche fer.
° Le 30 avril 1899 à Valencia, "CORUCHO" blesse mortellement l'un des novilleros les plus prometteurs du moment, Francisco APARICI PASCUAL "Paco FABRILO" -frère du matador Julio APARICI "FABRILO", lui-même tué aussi d'une cornada à Valencia deux ans auparavant-, en lui ouvrant la fémorale à l'estocade. il meurt le lendemain, 1er mai.
° Le dimanche 7 juilet 1889, à Madrid, le premier toro, "BELONERO", est cédé par Salvador SÁNCHEZ "FRASCUELO" au Sévillan Enrique SANTOS "EL TORTERO" pour lui conférer l'alternative, en présence d'Ángel PASTOR comme témoin. Le nouveau maestro lidie et tue fort bien : applaudissements nourris.
° Le 8 mai 1892, à Madrid, le premier toro, "COLMENERO", laisse un double souvenir : il donne une légère cornada, au côté, au grand banderillero sévillan Manuel ANTOLÍN, de la cuadrilla de Rafael MOLINA "LAGARTIJO", lequel, en fin de carrière et manquant de facultés physiques, écoute les 3 avis après 23 minutes de lidia, recevant à cette occasion profusion de siflets... et d'oranges !
° Le dimanche 15 mai 1898, à Madrid, "CIMBARETO", 6e et dernier toro, très brave et puissant, prend 9 piques pour 7 chutes et 7 chevaux morts. Un 8e cheval, monté par FRUTOS DÍAZ "FORTUNA", est mort dans le ruedo avant même de piquer: il avait été blessé à mort précedemment. C'est une époque où, à Madrid, pour les derniers toros, il est habituel de faire une limpieza de cuadra de caballos?-) : on fait sortir les montures blessées dont la récupération parait problématique. Après une faena de aliño, ce toro est estoqué par Emilio TORRES "BOMBITA" d'une épée courte et un peu caida.
° Le 27 juillet 1899, à Valencia, "DOMINICO" fazit un grand combat à la pique.
° Le 6 septembre 1904, à Huelva, le Sévillan de Constantina Ángel CARMONA "CAMISERO" reçoit l'alternative des mains d'Antonio FUENTES, qui lui cède le toro "GORRÓN", berrendo en negro, en prrésence de "EL ALGABEÑO".
° A Madrid, le 17 mai 1906, la corrida de la Presse, organisée plaza de la Puerta de Alcalá pour les 20 ans du roi Alfonso XIII, marque le triomphe le plus complet du fondateur de la dynastie des PABLO-ROMERO. Les 8 pablorromeros, bien lidiés par Antonio FUENTES, Antonio MONTES, Ricardo TORRES "BOMBITA" et Rafael GONZÁLEZ "MACHAQUITO", s'avèrent exceptionnels bien qu'il n'y ait aucun trophée décerné. La course est marquée par la prestation des piqueros Manuel de la HABA "ZURITO" et Antonio FERNÁNDEZ "MAZZANTINI" ; on note aussi un fameux succès du banderillero Domingo SÁNCHEZ "BLANQUITO".
Quant à Alfonso XIII, il va se marier quelques jours plus tard : le 31 mai. Un attentat à la sortie de la cérémonie fera des morts dans le cortège. Trois corridas seront données en l'honneur des nouveaux époux : le 31 mai, maintenu quand même selon le désir du roi ; le 2 juin, où sort un toro de PABLO ROMERO ; et le 3 juin. Les autres ganaderías à l'honneur sont aussi de la fine fleur : SALTILLO, VERAGUA, Anastasio MARTÍN, MIURA, FONFREDE, HERNÁNDEZ, PALHA, OLEA, ADALID et BENCIENTO. L'objectif de Felipe est maintenant atteint : ses toros font partie des favoris du public, ils sont de mise lors des grands événements, et le nom du ganadero jouit d'un immense prestige... il est entré dans le gotha des ganaderos.

Felipe de PABLO y ROMERO meurt fin 1906. Son fils Felipe de PABLO-ROMERO Y LLORENTE lui succède sous son propre nom.


Les événements


Date : 10/1885
Date : entre 1890 et 1912
  • Cession de bétail :
    L'élevage arrbs_fb2 transfère à l'élevage Felipe de PABLO y ROMERO quelques reproducteurs (encaste arrbs).
    Cette cession reste hypothétique à plusieurs titres :
    1) L'épouse du premier des PABLO-ROMERO, une LLORENTE, se retrouve par héritage avec la charge de la ganadería des Hermanos ARRIBAS (2) : du vistahermosa de première main, probablement croisé de cabrera, et peut-être de vázquez. C'est probablement son mari qui assure effectivement la gestion ; certains pensent qu'il aura introduit dans ses pablorromeros en construction un peu de cet excellent sang, bien cohérent avec l'amalgame qu'il est en train de souder. Mais ce n'est pas pleinement confirmé.
    2) Les dates restent incertaines. 1912 et 1916 sont les 2 dates auxquelles Hermanos ARRIBAS (2) est vendu en 3 lots ; mais quand l'épouse en hérite-t-elle ? et quand l'introduction éventuelle de reproducteurs chez PABLO-ROMERO se fait-elle ? On notera que, si introduction il y a et qu'elle soit postérieure à 1906, elle est à mettre au compte du fils, Felipe PABLO-ROMERO Y LLORENTE. _ On choisit ici l'hypothèse d'une introduction par le premier Felipe seul -au risque d'avoir à rectifier-, parce que c'est à son propos que certains font allusion à cette introduction de bétail. Voici en tout cas une corrida des Hermanos ARRIBAS, au temps où elle était entre les mains d'un "Felipe PABLO-ROMERO"... Et ici, une corrida de PABLO-ROMERO en 1908 à México (? : cette date semble bien précoce ; 1918 serait plus réaliste puisque c'est en 1910 que du pablorromero est cédé à ATENCO) ; et une autre à San Sebastián, en 1908. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a des similitudes ! Elles ne sont pas étonnantes si le vistahermosa d'Arribas est effectivement croisé de cabrera, de vázquez ; et l'on voit bien ici qu'un apport arribas dans le pablorromero n'en change guère la nature composite et ne manque pas de cohérence...


Date : 1906