FICHE ELEVAGE

DUQUE de VERAGUA (XIVe)

Plan : 01.01



Le toro "LUMBRERO", ici en exergue, a été lidié le 30 mai 1891 à Aranjuez. Son armure est la plus typique des premiers veragua : tocado de pitón. Il a donné une si forte commotion au célèbre piquero Manuel CALDERÓN DÍAZ que celui-ci en est mort le lendemain, 31 mai... Déjà, le 10 juin 1888, un toro avait tué le picador Matías UCETA "COLITA" à Madrid. Et le 8 septembre 1895 à Madrid, le toro "SIERVO" blessera si gravement le bandrillero Luis RAMÍREZ MARCHARIENA "EL GUIPUZCOANO" qu'il en mourra le 1er novembre suivant.

Cristóbal COLÓN DE LA CERDA, XIVe duc de VERAGUA poursuit dans la ligne d'un élevage et d'une sélection soignés, avec les mêmes résultats et les mêmes succès que son père, décédé le 5 décembre 1866. C'est celui qui sera, de tous les Ducs de VERAGUA, le ganadero le plus zélé... ce qui n'est pas peu dire quand on connaît l'impitoyable rigueur de son père ! Le fer Veragua et l'encaste veragua restent évidemment les mêmes. Il paraît à Madrid sous son seul nom dès le 24 avril 1867.

Une ganadería voyageuse
Après avoir connu les "Monts d’Alcaucín", entre Grenade et Málaga, propriété du duc d’OSUNA, puis les domaines (dehesas) de "CASTILLEJO" et d’"ARTILLEROS", qui dépendent de l’Héritage royal d’Aranjuez, près de Madrid, la ganadería s’établit définitivement sur les terres du duc de VERAGUA. Les vaches passent l’hiver dans les fincas que possède le duc entre Tolède y Ciudad Real ("CAMPILLO", "CONGOSTO", "MOLINILLO", et "VILLAPUERCAS"), puis elles vont à "SOTILLO". Pour ce qui est des toros, ils passent l’hiver à "VALJUANETE" et "VALQUEMADO" ; l’été, ils profitent des rives du JARAMA et du MANZANARES. Les domaines ne manquent pas au duc ! Et c'est une époque où le déplacement des toros braves se fait à pieds...

Sur la route du triomphe
Toutes les années, Cristóbal COLÓN tiente les utreros de quatre herbes et envoie à l'abattoir ou aux travaux des champs les moins braves. Tous les 4 ou 5 (5 ou 6 ?) ans, il fait de même avec les vaches. Il ne fait ainsi qu’augmenter le prestige de la ganadería, et devient -s'il est possible !- le plus prestigieux des ganaderos Ducs de VERAGUA. Suivant la formule du grand bibliophile madrilène Diego RUIZ MORALES, il est "non pas une autorité en la matière, mais l'autorité en la matière".
En témoigne le fait qu’entre 1874 et 1900, est lidié à Madrid, dans les anciennes arènes de la Carretera de Aragón –connues aussi comme plaza de toros de la Fuente del Berro-, le nombre ahurissant de 607 toros du duc de VERAGUA : soit une moyenne dépassant un peu les 23 toros par temporada. La ganadería de MIURA suit à bonne distance avec 361 toros, soit presque 14 par an.
Ou encore. Lors de la corrida d’inauguration de cette plaza de toros de la Carretera de Aragón, pour la première fois de l’histoire, 1 toro de VERAGUA est payé 4.000 réaux. Ces 4.000 reales sont l’équivalent de 1.000 pesetas de l’époque… ce qui n’est pas mal ! Toujours est-il que, depuis ce jour, on a pris plaisir à appeler le billet de 1.000 pesetas "un veragua" !
Les toreros, quant à eux, marquent une prédilection certaine pour les toros du duc qui, d'après eux, se prêtent à un meilleur lucimiento. À un novillero qui l'interrogeait sur les toros les plus aptes à faciliter le triomphe d'un torero, Rafael "EL GALLO" répond sans hésitation aucune : "Écoute, petit, ne me dis pas que tu es torero si tu ne sais pas ça : ceux de VERAGUA, fils, ceux de VERAGUA. Ça ne se demande pas !" En dépit de leur formidable violence à la pique, à chaque événement important, comme par exemple l'alternative de quelque torero marquant, ce sont les toros de VERGUA qui sont demendés. C'est ainsi qu'en 1875, Rafael MOLINA "LAGARTIJO" confère l'alternative à José DEL CAMPO "CARA-ANCHA" en lui cédant le toro "APRETURAS", et qu'en 1902, Luis MAZZANTINI fait de même pour Vicente PASTOR avec le toro "ALDEANO" : les deux sont veragüeños. Les grandes arènes ne se font pas prier pour programmer les célèbres Veragua, telles celles de Barcelone pour la Corrida de Bienfaisance, le 23 juin 1901 : une première partie avec 2 toros de Rafael SURGA pour Mariano LEDESMA et Isidro GRANÉ ; suivie de 6 toros de VERAGUA pour Antonio FUENTES, Antonio de DIOS "CONEJITO" et Antonio OLMEDO "VALENTÍN".
Une qualité
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Pourquoi un tel succès ?
Tout Grand d'Espagne que soit Cristóbal COLÓN DE LA CERDA, le campo et la ganadería sont ses deux passions favorites, celles auxquelles il se consacre avec le plus de zèle. C’est un homme simple, affable et généreux, ce qui ne l’empêche pas d’être expert dans l’élevage et la sélection du toro de lidia. Il aime s’entretenir des travaux de la terre et de l’état des bêtes avec les contremaîtres et les mayorals. Rien ne l’arrête. Pas même l’époque où ses multiples charges et fonctions requièrent sa présence à la capitale : il se permet de multiples escapades au campo pour telle ou telle fiesta campera ou pour s’informer directement de ce qui se passe. Il dirige lui-même toutes les opérations. Il met un soin inégalable au choix des reproducteurs, suit scrupuleusement les tientas de machos comme de vaches, sélectionne avec rigueur, prend un soin extrême des bêtes et de leur nourriture. Il ne néglige aucun effort pour améliorer l'alimentation et les soins du bétail. On cite cet exemple de son désintéressement et de son aficion : il est vraiment le seul à écarter de la fonction reproductrice, pendant une année, une partie de ses vaches ; c'est dans le double but d'éviter un épuisement des femelles et d'obtenir par la suite des produits plus sains et plus robustes.
Le XIVe duc de VERAGUA choisit soigneusement les reproducteurs. Il sait se montrer impitoyable envers les bêtes obtenant de mauvaises notes en tienta, Il marche tout à fait dans les traces de son père pour tout ce qui est de la reproduction et de l’élevage du troupeau : ennemi des croisements, sa méthode est celle de la consanguinité, qui permet de fixer les caractères ou les particularités du troupeau.

Il n'est pas étonnant que, le 10 juin 1888 à Madrid [soit 2 mois après la présentation des PABLO-ROMERO dans la capitale], la prestigieuse corrida de bienfaisance au profit de l'hôpital provincial se donne avec les toros l'Excellentissime Monsieur le duc de VERAGUA. Au cartel : LAGARTIJO, CARA-ANCHA, ESPARTERO et GUERRITA... Excusez du peu !

Cette haute qualité a un prix... mais avec CONCHA y SIERRA et juste derrière MIURA ! Une affiche "de seda" annonçant 4 corridas à Valencia en 1897 précise (O tempora, O mores!) le prix d'achat des toros :
° Le dimanche 25 juillet 1897 : 6 toros de 5 ans de Doña Celsa Fontfrede, VIUDA de CONCHA y SIERRA, achetés 10.500 pesetas, pour "TORERITO", "LAGARTIJILLO" et FUENTES.
° Le lundi 26 juillet 1897 : 6 toros de 5 ans de Don EDUARDO MIURA, achetés 12.000 pesetas, pour "TORERITO", FUENTES et "ALGABEÑO".
° Le jeudi 29 juillet 1897 : 6 toros de l'Excellentissime DUQUE de VERAGUA, achetés 10.500 pesetas, pour MAZZANTINI, FUENTES et "ALGABEÑO".
° Le vendredi 30 juillet 1897 : 9 toros, dont 3 de l'Excellentissime DUC de VERAGUA, achetés 5.250 pesetas, et 6 des Héritiers de Don VICENTE MARTÍNEZ, achetés 9.000 pesetas, pour MAZZANTINI, "TORERITO" et "VILLITA".
L'affiche avertit que "TORERITO" sera là en remplacement de "GUERRITA". Quant à "VILLITA", il s'agit de l'Aragonais Nicanor VILLA y ARILLA, dit "VILLITA".

Les 2-3-4 septembre 1881, VERAGUA voisinait aussi avec MIURA et Vicente MARTÍNEZ pour les 3 corridas des fêtes de Vitoria, torées par "GORDITO" et "LAGARTIJO". Autres temps, autres moeurs, l'affiche porte la mention : "L'excellentissime municipalité de cette ville, désireuse de servir les intérêts locaux, a prévu ce programme (lequel comprend aussi diverses fêtrs populaires) ; aujourd'hui, ça fait un peu rêver !.

L'exception qui confirme la règle
Cependant, une fois, une seule, en 1879, le duc met un toro qui n’est pas de lui sur un nombre réduit de vaches. Son excellent ami Antonio MIURA FERNÁNDEZ (1861-31 mars 1893), le fameux ganadero sévillan, a bien le même point de vue sur l'importance de la consanguinité, mais tous deux sacrifient leurs convictions par amitié. Le duc envoie à Séville un très joli becerro colorado ojinegro, issu d’une bonne lignée ; mais il est vite rendu inutilisable en raison d'une cornada, si bien qu’il ne dure guère. C’est à peine s’il aura une influence sur la ganadería MIURA. Antonio MIURA, lui, envoie à Tolède un toro sélectionné qui, pendant 2 printemps, a couvert un petit lot de vaches ayant donné de bons produits. Sur l’ordre express du duc, ce toro, son lot de vaches et leurs produits sont mis à part des purs veraguas vazqueños, de telle sorte qu’on puisse les distinguer et qu’aucun toro croisé ne puisse devenir reproducteur. Les deux camadas de becerras issues de ce croisement, puis leurs filles, leurs petites-filles et leurs arrières-petites-filles seront exclusivement couvertes par des sementals vazqueños de la maison : ainsi, en 4 ou 5 générations, le sang miureño va quasiment disparaître par absorption.

"Dispute" technique entre amis
Antonio MIURA FERNÁNDEZ et Cristóbal de VERAGUA débattent sur le meilleur système de tienta : a campo abierto ? ou dans un lieu clos ? Pour Antonio, qui ne transige pas, la tienta a campo abierto por acoso y derribo nuit moins au becerro : dans la mesure où, plus tard, il ne fera pas facilement le rapprochement entre les prés de la marisma, qui sont sans limite, et le petit rond de l’arène. Cristóbal, lui, soutient que, pour bien étudier les réactions du becerro, il faut le voir dans un lieu clos (l’arène de tienta) : là, c’est comme si on observait ce qui se passe dans le campo avec un microscope ; et si le toro est brave il ne se souviendra absolument pas de sa tienta dans l’arène. Les deux ganaderos sont des plus compétents, mais leurs points de vue restent irréductibles. Pourtant VERAGUA cède aux suggestions de MIURA –quelle preuve d’amitié ! – et, au printemps 1879, il réserve 25 becerros pour un acoso. L’année suivante, il le fera pour toute la camada… Néanmoins, après ce test, il revient à la tienta en espace clos. VERAGUA est probablement l’unique ganadero à le faire… mais en réalité, c’est que dans ses nombreuses fincas, qu’elles soient sa propriété ou en fermage, il n’a ni assez d’espaces, ni un personnel agricole sachant pratiquer l’acoso, ni ce qu’il faut pour le réaliser. Comme quoi les plus grandes "disputes" peuvent avoir des causes fort prosaïques...

Après avoir maintenu pendant près d’un demi-siècle le cédit de la devise rouge (encarnada) et blanc, Cristóbal COLÓN de la CERDA, XIVe duc de VERAGUA, meurt à Madrid le 30 octobre 1910. L’élevage jouit d’une immense renommée. Élevage et titre passent à son fils Cristóbal COLÓN y AGUILERA, XVe duc de VERAGUA, qui recueille ainsi les fruits du travail de son père. L'élevage s'appellera toujours DUQUE de VERAGUA (XVe).


Les événements


Date : 1866
Date : entre 1866 et 1910
  • Cession de bétail :
    L'élevage DUQUE de VERAGUA (XIVe) vend à l'élevage flrs_dmn une quantité inconnue de têtes de nature inconnue (encaste veragua).
    Damián FLORES, aujourd'hui obscur ganadero, croise ses jijón avec des veragua...


Date : entre 1870 et 1910
Date : entre 1875 et 1910
Date : 1879
  • Cession de bétail :
    L'élevage mra_a donne à l'élevage DUQUE de VERAGUA (XIVe) 1 etalons (encaste mra).

  • Cession de bétail :
    L'élevage DUQUE de VERAGUA (XIVe) donne à l'élevage mra_a 1 etalons (encaste mra).
    Voir "L'exception qui confirme la règle" dans l'élevage de Cristóbal COLÓN DE LA CERDA, ci-dessus. C'est un échange amical de bons procédés, qui restera sans suites !


Date : 1880
  • Cession de bétail :
    L'élevage DUQUE de VERAGUA (XIVe) vend à l'élevage mln_rf 1 etalons (encaste veragua).

  • Cession de bétail :
    L'élevage DUQUE de VERAGUA (XIVe) vend à l'élevage mln_rf quelques vaches (encaste veragua).
    En 1880, ou de 1 à 3 ans plus tard, Rafael MOLINA "LAGARTIJO" complète sa ganadería (qui de toute façon disparaîtra après lui !...) d'un étalon et de quelques vaches de VERAGUA. Problème : en 1884, "LAGARTIJO" certifie lui-même à la revue taurine LA NUEVA LIDIA, que VERAGUA a refusé de lui vendre du bétail... ce qui ne l'empêche nullement, dans la même entrevue, de parler de ses vaches "d'origine andalouse et vazqueña" ! Feraient-elles partie des 150 vaches qu'il vient aussi d'acheter en 1880 "au Portugal" ? Ce n'est pas tout à fait impossible : en 1832, le roi FERNANDO VII a donné du bétail à son frère et à son neveu, qui vivaient au Portugal...


Date : entre 1881 et 1882
Date : 1884
Date : 1886
Date : 1892
Date : 1896
Date : 1903
Date : entre 1904 et 1905
Date : 1907
Date : 1908
Date : 1910
Date : le 01/11/1910