FICHE ENCASTE

veragua

Constitution de l'encaste : 1835-06



Le toro placé ici en exergue a été lidié à Madrid en 1854. Il ne semble pas exister de bon dessin antérieur... mais il y a beaucoup de photos plus tardives.

L'encaste veragua est de la pure et meilleure caste vázquez ; mais par leur sélection rigoureuse pendant presque 1 siècle, les ducs de VERAGUA lui donnent peu à peu une marque propre. Ils modèlent ainsi l'encaste veragua. La création de l'encaste veragua commence dès l'achat initial des ducs d'OSUNE et de VERAGUA, en juin 1835.

Les caractéristiques du toro veragua sont évidemment très proches de celles du toro vázquez.
MORPHOLOGIE
Ni aussi grands et cornalón que les cabrera, ni aussi ramassés et cornicorto que les vistahermosa, les veraguas sont des toros larges, de taille moyenne (élipométiques), "bonitos" mais de grand trapío.
Cornes moyennes et tirant sur le veleto, comme on peut le voir sur le toro en exergue ; parfois bien développées, mais pas aussi cornalón que les cabrera... encore que celui-ci, berrendo en colorado, lidié en 1851 à Madrid, soit assez impressionnant.
Corps : Poitrine ample, cage thoracique très développée et de grand diamètre. Flancs remplis.
Ligne dorso-lombaire ensellée.
Ligne ventrale légèrement ramassée et testicules plutôt volumineux.
Tête "empâtée" et tempes larges ; profil concave et aussi large que long (brachycéphale).
Généralement d'abondantes boucles sur la tête (rizado) et même le cou (astracanado) ; souvent meleno (frontal chevelu).
Cou très musclé et nuque ample, morillo bien marqué et très peu de fanon.
Extrémités courtes et bien d'aplomb.
Croupe haute et arrondie ; queue placée haut, avec un toupet bien fourni.

N.B._La morpholgie des veraguas a évolué au fil des années, en partie parce qu'ils ont une nourriture plus riche, en partie par la sélection des éleveurs... et peut-être en partie aussi parce qu'il n'existe plus de sang veragua dépourvu de tout croisement ou de toute trace de croisement. En voici quelques exemples actuels.
° Sur ce jabonero de Fernando PALHA (= Héritiers de Maria do CARMO PALHA (ou Fernando PALHA)), on remarquera la puissance du train-avant et du cou. Et celui-ci, d'Aurelio HERNÁNDEZ n'a pas grand chose à lui envier.
° On remarquera sur ce jabonero,de Tomás PRIETO de LA CAL, l'aspect très massif, les pattes avant courtes, l'armure tocada de pitón à la fois modeste et sérieuse.
° Cet impressionnant toro, de la lignée CONCHA y SIERRA, se distingue par sa tête et son pelage sardo assez particulier.
° Ce caripintado (tête peinturlurée) des Héritiers de Maria do CARMO PALHA (ou Fernando PALHA) a été, à Céret, d'une agressivité sauvage assez ahurissante...

PELAGES
La grande diversité des sangs qui composent la caste vázquez se reflète dans la variété des pelages.
On retrouve tous les pelages fondamentaux : negro, cárdeno, colorado, castaño, tostado, mais aussi ensabanado, berrendo, jabonero, salinero, et (eux-mêmes assez divers).
Comme particularités marquantes : capuchino et calzado/calzón.
Jointe à leur excellent trapío, la variété des pelages contribue à l’image et à la personnalié des veraguas en piste. Mais, en outre, ces pelages sont si différents les uns des autres et souvent si complexes qu’il n’est pas nécessaire, pour les identifier, de les marquer avec un numéro sur le flanc ou la fesse, comme le font alors bien des ganaderos. Il suffit à VERAGUA de placer le fer de la maison à différents endroits du corps ou dans diverse positions : aucun risque de se tromper. C’est assez unique !

COMPORTEMENT
Les toros de VERAGUA ont leurs caractérístiques proipres quand ils sortent en piste: fougueux, ils impressionnent par leur puissance et leur force aux premiers tiers. A la sortie en piste, ils poursuivent les peons avec tant de bravoure qu'ils se cassent plus d'une fois les cornes à la base en rematant aux planches. En outre, ils serrent souvent les banderilleros. Mais ils s'emploient si fortement qu'ils tendent à s'éteindre dans la muleta - ce défaut se nuance quelque peu aujourd'hui -. Au XIXe siècle, où le tercio de piques constitue l'essentiel de la lidia, ces toros font briller les picadors par leur énorme poussée et leur sauvagerie. Forts, avec beaucoup de poder et braves, ces toros se taillent auprès des publics la réputation d'être très spectaculaires dans le tercio de varas: ils les régalent.
Caractérisés par leur force et leur noblesse, ils vont aux piques aveuglément, avec un poder énorme, rechargeant et provoquant des chutes monumentales. Il semble impossible que des toros si nobles produisent autant des cogidas, surtout chez les piqueros ; sans doute est-ce dû à la force qu'ils ont dans les pattes et les cornes, se retournant avec vivacité et envoyant en l'air chevaux et cavaliers. Ce n'est pas sans raison qu'il leur arrive d'ailleurs assez souvent de se casser une corne au ras en rématant contre les planches...
C'est chez VERAGUA que COSSÍO cite le plus de toros célèbres dans sa fameuse encyclopédie taurine "LOS TOROS".
Pendant de nombreuses années, on trouve sur les affiches l'avertissement significatif selon lequel, s'il arrivait que les picadors annoncés soient mis hors de combat, le public n'aurait pas le droit d'en exiger d'autres ! C'est qu'une fois, un seul toro veragüeño a envoyé à l'infirmerie tous les picadors au bout de… 20 piques. Il n'y avait plus personne pour piquer et cela avait déclenché une véritable émeute.
Chaque fois qu'il a un grand événement, par exemple l'alternative d'un torero important, on sollicite pour lui les toros de VERAGUA. Ainsi, en 1875, Rafael MOLINA "LAGARTIJO" donne l'alternative à José DEL CAMPO "CARA-ANCHA" en lui cédant le toro "APRETURAS" ; et en 1902 Luis MAZZANTINI fait de même pour Vicente PASTOR, avec le toro "ALDEANO". Les deux toros sont bien sûr des veragüeños. O tempora ! O mores !...

Ces toros tiennent les premiers plans jusqu'au premier tiers du XXe siècle, toujours dans les mains des COLÓN, ducs de VERAGUA. Mais ils s'alourdissent en fin de lidia : raison pour laquelle, avec l’évolution conjointe des publics et du toreo, la présence de cette caste ira en diminuant peu à peu au cours du XXe siècle dans les ganaderías espagnoles, jusqu'à ne plus exister que sous forme testimoniale à l'orée du XXIe. La caste fondamentale vázquez/veragua est aujourd'hui en voie de disparition.

Et qu’en est-il du fameux pelage jabonero des veraguas ?
Est-ce un pelage caractéristique de la caste originelle ? Eh bien, non ! Jusque vers 1855, il est si rare qu’on ne compte pas plus de 2 ou 3 vaches jaboneras dans la ganadería, et qu’aux arènes, on ne voit guère de toro jabonero. Cependant, en 1858, le désir de présenter en piste des toros de ce pelage fait choisir comme semental le toro "CHARRENGUE", dont la tienta a été fort décevante mais qui est né d’une vache très encastée. Il œuvre pendant 3 ans avec un nombre considérable de vaches… avant d’être lidié à Valencia en 1861 lors d’un festival au bénéfice de l’hôpital, plutôt qu’envoyé à l’abattoir. Or il émerveille public et revisteros par sa bravoure. Parmi ses fils, 10 ou 12 seront choisis comme reproducteurs et laisseront une nombreuse descendance. Tant et si bien que cette cape jabonera finira par augmenter au point de devenir dominante par rapport à toutes les autres et typique des veraguas. Le terme de charrengue a même été utilisé pour désigner le pelage jabonero !

On notera que pendant les 78 ans où los Ducs de Veragua ont eu la ganadería et lui ont donné tout son prestige, ils ont non seulement rivalisé avec les plus fameuses, mais aussi vendu des reproducteurs à de nombreux élevages d’Espagne, du Portugal, du Mexique et de Colombie. Reste à trouver pas mal de dates manquantes !

Beaucoup de ganaderías naîtront du tronc vázquez-veragua. Mais du sang vistahermosa sera transfusé dans la presque totalité des élevages braves, si bien que la plupart des vacadas vazqueñas ont été croisées, absorbées ou remplacées par du sang vistahermosa.
Il en reste des exemplaires notables dans les ganaderías CONCHA Y SIERRA et PRIETO DE LA CAL, où l'on peut encore admirer leur beauté. Quelques-uns dans la Asociación Nacional de Ganaderías de Lidia (ANGL), mais ils sont plutôt d'origine vega villar (vaches de l'ancienne ganadería du Duc de VERAGUA avec des sementals de SANTA COLOMA). Et puis il y a la ganadería portugaise des Herederos de María do CARMO PALHA.
Il ne faudrait quand même pas oublier Juan Pedro DOMECQ qui, par quelques rares familles à peu près pures, est peut-être le principal reposoir des restes du sang vazqueño.