FICHE ENCASTE

vázquez

Constitution de l'encaste : 1737/1755



Vázquez est une des castes fondamentales du toro de combat.
L'achat aux CHARTREUX de Jerez vers 1755 (à partir de 1737 ?) constituant, semble-t-il, la première pierre de l'élevage de Gregorio VÁZQUEZ, on y rattache ici, au moins symboliquement, non seulement la création de son élevage mais encore la création de la caste fondamentale vázquez. Il est bien entendu que cette caste fondamentale est encore loin d'être achevée : elle ne le sera qu'avec l'acquisition de bétail vistahermosa à partir de 1790, suivie de son intégration au troupeau quelques années plus tard.
On pense que la caste fondamentale ou racine (raíz) vazqueña, initiée par Gregorio VÁZQUEZ, réunit, sur une base frailera, les caractères du bétail cabrera de Benito ULLOA y LEDESMA, Marqués de CASA ULLOA, Luis Antonio CABRERA PONCE DE LEÓN Y LUNA et Juan José BÉCKER [BÉCQUER] (... eux-mêmes d'origine frailera mais déjà typés les uns par rapport aux autres). La grande majorité des études sur ce sujet considère que la naissance de cette caste fondamentale procède d'un amalgame de tout ce bétail.
On voit ici en en-tête le toro negro "YEGUERIZO", vazqueño de Pablo BENJUMEA, lidié à Madrid le 16 juin 1904 par "BOMBITA" ; il ressemble beaucoup aux toros vazqueños que l'on peut voir peints dans les collections de ganaderos historiques comme le Portuguais Fernando PALHA. On notera combien les toros de cette époque, nourris uniquement d'herbe, sont moins "pleins" que ceux d'aujourd'hui ; que l'on en juge en comparant avec ce rondouillard conchysierra typique, mais de 1998, dont la position et le port de tête sont assez comparables.
Pour le détail de la formation de cette caste, on se reportera à ses deux étapes : dans l'élevage de Gregorio VÁZQUEZ d'abord, puis dans celui de son célébrissime fils, Vicente José.

Caractéristiques du toro vazqueño :
Ci-dessous, on prend en compte les caractéristiques de cette caste une fois totalement constituée.
° Pelages fondamentaux :
Dès leurs débuts, en raison de la diversité de leurs origines fraileras, les toros vazqueños sont réputés pour la diversité spectaculaire de leurs pelages. On y trouve absolument toute la gamme : ensabanado ; jabonero claro, sucio et barroso ; cárdeno claro et oscuro ; colorado de toute espèce dont retinto ; castaño ; berrendo en negro, en colorado, en castaño, en cárdeno, en jabonero, en tostado, et parfois même en salinero ou en sardo ; sardo ; salinero ; tostado ; et negro.
[Certains pensent que les pelages dominants chez Gregorio seraient le jabonero et la diversité des colorado (melocotón et encendido surtout). Cette donnée ne paraît pas solidement attestée ; elle semble davantage liée à une projection du présent sur l'époque passée. En tout cas, elle ne saurait exclure la grande diversité d'ensemble, attestée par tous les auteurs. On peut s'en faire une idée à travers cette vue du troupeau de vaches de Fernando PALHA, au début des années 2.000. D'autre part, on trouvera dans la fiche de l'encaste veragua, sous le titre "Et qu'en est-il du fameux pelage jabonero des veraguas ?", l'histoire de l'essor du pelage jabonero chez les vazqueños veraguas. ]
On notera qu'au bout de 170 ans de séparation entre 2 branches vazqueñas, telles que celle des veraguas et celle des conchysierras, elles présentent aujourd'hui certaines différences. Au fil des années, chaque ganadero imprime une marque originale à son troupeau, sans parler des imprévus de la génétique. Rien n'est figé.
° Dans la branche veragua, les pelages jabonero dans toute leur diversité [albahío, jabonero claro, jabonero sucio, barroso, et même perlino tel ce joli novillo... de CONCHA Y SIERRA ! à moins que la photo ne soit trompeuse ?...] ainsi que les pelages negro sont devenus au dominants ; c'est ce que l'on voit en particulier chez PRIETO DE LA CAL, où domine largement le jabonero, par exemple avec ce superbe toro. Tandis que les colorado, castaño, berrendo aparejado en negro, en colorado, en cárdeno et en jabonero, sont généralement moins fréquents (... mais ce n'est pas du tout le cas pour les berrendos chez Fernando PALHA, comme le montre l'image du troupeau de vaches ci-dessus). De même pour les ensabanado (même exception chez Fernando PALHA), les cárdeno et les colorado melocotón. Par contre, les sardo et les salinero ne se voient presque plus chez les veraguas actuels ; on ne les voit guère plus que chez miura, probablement par cabrera. Toutefois depuis 2.000, on voit une résurgence des pelages sardos dans le núñez et bon nombre de juanpedro et ses dérivés... probablement venus du lointain sang cabrera-vázquez-veragua (voir aussi la notice de l'encaste núñez).
° Dans la branche conchysierra par contre, les pelages les plus significatifs sont les salinero, les sardo et les negro. Abondent aussi les cárdeno, les colorado, les tostado, les castaño et les berrendo (habituellement capirote). Les ensabanado de cette branche, cependant moins nombreux, sont particuliers eux aussi : ils ont les oreilles noires... particularité qui n'a pas de nom ! Quant aux colorado melocotón, ils sont très rares ; et les jabonero inexistants sauf exception. On voit bien que l'histoire de chaque ganadería remodèle un peu les caractéristiques de sa lignée de base.

° Particularités de pelage :
° Vu la grande diversité des pelages, il ne fait aucun doute que les particularités existent toutes ! A tel point que bien peu se donnent la peine de les mentionner... On peut même de trouver des particularités de pelage si originales qu'elles sont difficiles à décrire dans les catégories habituelles. Cette variété, due à la grande diversité des origines [mais ces origines lointaines sont-elles si différentes de celles du vistahermosa ?!...], fait qu'il est quasi impossible de rencontrer 2 toros ayant exactement le même pelage. C'est pourquoi Vicente José VÁZQUEZ n'avait pas besoin de mettre un numéro sur ses toros pour les reconnaître : le fer maison lui suffisait. Toutefois, on peut noter que, chez les berrendo, les types aparejado et capirote sont fréquents, alors que le type remendado est rare.
° D'autre part, on note dans les particularités générales une certaine fréquence des alunarado, aparejado, chorreado en morcillo et en verdugo, entrepelado, mosqueado, nevado et salpicado, alors que les anteado, lavado, burraco et estornino sont plus rares.
° Dans les particularités de la tête et du cou, on note surtout capirote, caribello et gargantillo, ainsi que toutes les taches blanches de la tête (careto, estrellado, facado, lucero), toutes les particularités des yeux (ojalado, ojinegro, ojo de perdiz, zarco/llorón) et toutes celles de la bouche (bociblanco, bocidorado, bocinegro). Les carifosco sont nombreux et, parmi eux, les astracanado ne sont pas rares ; mais cette particularité est plus fréquente chez les mâles.
° Quant aux particularités du tronc, les plus fréquentes sont bragado, bragado corrido, axiblanco et meano ; mais les albardado, aldinegro, girón et lombardo ne sont pas rares... tandis que les aldiblanco et les cinchado sont occasionnels.
° Aux extrêmités, abondent les botinero et les calcetero, tandis que les calzón sont moins fréquents ; cependant on trouve aussi des coliblanco, rabicano et rebarbo.
° On notera qu'au bout de 170 ans de séparation, les veragua et les conchysierra présentent certaines différences. Dans la branche conchysierra, les taches blanches dominent beaucoup plus ; abondent en particulier les salpicado, et dans une moindre mesure les lucero/estrellado, les careto, gargantillo, girón, calcetero et coliblanco. On notera que les taches, blanches ou noires, sont souvent à la fois si rondes et réparties d'une manière si particulière qu'elles identifient presque à coup sûr l'origine conchysierra d'un toro, tels ce castaño salpicado et, surtout, ce burraco... ou berrendo en negro, selon que l'on opte pour le décrire dans l'une ou l'autre catégorie.
° Cornes : les cornes sont moyennemnt développées comme le montrent souvent peintures et gravures anciennes. Des cornes assez courtes -toros cornicortos-, épaisses -toros astigordos-, avec des pointes classiquement dirigées vers l'intérieur -toros brochos, corniapretados-, mais aussi relévées vers le haut (toro veleto). Elles sont blanches (astiblancas), blanchâtres (astisucias), ou beiges (acarameladas) chez les jabonero et les colorado). Leurs pointes ne sont jamais noires. Des traits que l'on retrouve habituellement chez les PRIETO DE LA CAL). Pour autant, ils restent des toros bien armés, et impressionnants.
On notera encore qu'au bout de ces 170 ans de séparation, les veragua et les conchysierra présentent encore d'autres différences. Dans la branche conchysierra, les armures sont généralement plus cornalón et veleto, comme chez ce toro algo burraco ou chez celui-ci. Chez les veragua, dominent les armures en forme de crochet et de longueur moindre, comme chez ce beau jabonero ou chez l'un de ses frères, de PRIETO DE LA CAL. Par contre, chez Fernando PALHA, les armures sont généralement conséquentes : voir ce bel ensabanado capirote en jabonero.

° Morphologie :
Ces toros sont de taille moyenne, larges, musclés et de type un peu épais. Leur peau est plus épaisse que la moyenne, couverte de poils longs et souvent très frisés sur la tête (carifosco) ou la tête et le cou (astracanado). Ils transmettent une impression de sérieux, dans laquelle les poils frisés de la tête et le regard ne sont pas pour rien. La tête est assez volumineuse, large et souvent allongée, avec un profil droit ou légèrement acarnerado (légèrement convexe, comme chez les moutons) ; leur museau épais leur donne une allure de "toros antiguos". Les yeux sont grands, et particulièrement voyants chez les bêtes claires, surtout les jabonero, en raison du contraste entre le pelage et la noirceur des yeux, ce qui les rend apparemment plus grands et plus impressionnants. Le cou est de longueur moyenne, mais certains exemplaires l'ont plus court que la moyenne. Le morillo est habituellement bien développé, saillant et abondament frisé. Le fanon est de développement moyen (mais plus grand chez le conchysierra, sans toutefois atteindre la taille du parladé). Le tronc est large et la poitrine profonde : le tiers antérieur domine sur le postérieur (toro aleonado), pourtant musclé ; la ligne dorso-lombaire est droite ou légèrement ensellée ; la croupe est large et arrondie (voir photo qui suit) ; vu de derrière, le jaret paraît souvent trapu, comme chez ce novillo de Fernando PALHA (c'est un trait que l'on retrouve aujourd'hui chez certains toros de Juan Pedro DOMECQ SOLÍS : est-ce significatif ?) ; le ventre est notablement volumineux, comme chez ce toro de PRIETO DE LA CAL. Et comme on le voit sur cette même image, les extrêmités sont assez courtes (ils sont, dit-on, "pegados al suelo"), larges, fortes : voir ce dessin .La queue longue, de grosseur moyenne, avec un toupet bien fourni. L'ensemble donne un toro corpulent, beau à voir, de bon trapío ; il a une allure de toro à l'ancienne, tout en n'ayant pas l'impressionnante sauvagerie du miura.
On notera de nouveau qu'au bout de ces 170 ans de séparation entre les veragua et les conchysierra : dans la branche veragua, les toros sont un peu plus fins de type et de taille plus petite ; tandis que les conchysierra sont plus hauts, de type plus épais et généralement davanrage aleonados (tiers avant dominant le tiers arrière, comme chez le lion : c'est le type originel du toro et de l'aurochs) : on le voit bien sur celui-ci.

° Comportement :
Au campo. Les ganaderos actuels sont unanimes à dire que leurs vazqueños ont une agressivité naturelle marquée et qu'ils sont d'un maniement difficile au campo. La réputation habituelle de ce bétail n'est pas surfaite. C'est à partir de leur troisième année qu'il deviennent plus batailleurs entre eux, comme la majorité des toros de lidia ; mais leur développement précoce et leur corpulence les pousse très tôt à mesurer leurs forces à l'intérieur de leur camada : ce qui commence comme un jeu se complique vite. A moins d'être gravement blessé, le perdant doit fuir tous les autres ; il devient alors un danger supplémentaire pour ceux qui s'occupent du troupeau, car ces animaux isolés s'embusquent et sont capables de charger à l'improviste celui qui s'aventure sur leur terrotoire sans le savoir. Ces combats ne sont pas toujours aussi fréquents entre les toros faits ; mais ils ont des conséquences plus graves, si bien que le nombre des pertes est sensiblement plus important chez eux. Dans leurs enclos, les toros de 4 ans paraissent toujours de mauvaise humeur ; ils se groupent généralement fort peu, chacun se faisant un bout de territoire où aucun autre n'est en principe admis. Les séparer pour l'embarquement ou simplement pour les changer d'enclos est un travail rempl de difficultés : ils sont têtus, rechignent à aller là où ils n'ont pas envie d'aller ; et comme ils sont susceptibles de charger à tout moment sans avis préalable, leur maniement est vraiment délicat.
Par contre, les vaches ont un comportement plus grégaire et sont moins agressives ; elles font d'excellentes mères.
En piste. A leur sortie en piste, ces toros sont classiquement très spectaculaires. Ils sortent fougueux, impressionnanta de puissance, ils rématent "en tablas" et s'emploient à fond au premier tiers... mais sont-ils réellement braves ? Chargent-ils et poussent-ils le picador par pure bravoure ou, en raison de leur attirance accusée vers les planches, pour chasser l'importun qui s'interpose entre elles et eux ? Cela a toujours fait l'objet d'une polémique. Quoi qu'il en soit, ce comportement favorise des piques très fortes, épuisantes : leur comportement s'en ressent au 2e tiers, où ils serrent le banderillero, et surtout au 3e tiers où ils se collent rapidement aux planches. Mais les bons vazqueños chargent la muleta avec noblesse ; ils permettent le triomphe des toreros... du moins ceux qui savent tirer partie rapidement de leurs qualités, car ils supportent peu de passes et ont tendance à vite s'alourdir. Quant aux mauvais vazqueños, ils ont tendance à être très vite arrrêtés, courts ; ils se défendent alors sur place avec sentido, donnant de la corne dans les leurres (hachazos) et gardant la tête haute. Toutefois, ce comportement typique est aujourd'hui passablement modifié par le type de sélection de chacun des ganaderos qui maintiennent les rares noyaux vazqueños existant encore.
Contrairement à une idée répandue, les vazqueños n'ont jamais été des toros particulièrement difficiles. Leur bravoure et leur engagement spectaculaire au cheval étaient alliés à une belle noblesse... pour leur époque ! C'est leur tendance à ne supporter que peu de passes de muleta et à s'arrêter qui a constitué leur limite majeure. Surtout depuis le premier tiers du XXe siècle : quand la faena de muleta a commencé à devenir reine. Il fallait un autre type de toro. Le vistahermosa l'offrait. Les vazqueños n'en ont pas moins maintenu leur cartel jusque dans les années 1960 ; peut-être en raison de leur mythe ? Mais ils ont fini par être quasiment rayés de la carte dans les dernières décennies du XXe siècle et le début du XXIe. Au point que c'est un vrai miracle s'il en reste encore quelques noyaux aujourd'hui : les ganaderos ont dû s'aligner sur le marché taurin, ou disparaître. Sur le millier de ganaderías espagnoles, seule une bonne demi-douzaine garde une influence vazqueña notable. Et encore certaines risquent-elles de disparaître d'ici peu. On notera particulièrement le travail de ces admirables mainteneurs qu'est Tomás PRIETO de LA CAL en Espagne, et qu'a été Fernando PALHA au Portugal.
Au XIXe et au début du XXe, beaucoup de ganaderos ont tenté avec succès des croisements entre les vazqueños et d'autres castes. Il en est sorti des ganaderías particulières, dont celle des MOLERO Hermanos, maintenant disparue. D'autres fois, la base vazqueña a servi pour des croisements par absorbtion, ainsi pour la création de l'encaste juan pedro domecq où les lignées maternelles ne conservent plus qu'une parcelle de sang vazqueño, fondue dans le sang vistahermoseño tamarón - lacorte - mora figueroa qui est absolument prédominant [certains pensent que les Juan Pedro DOMECQ gardent par précaution, bien dissimulées, quelque rares familles de purs vazqueños : rêve ? ou réaliré ?...]. Mais il reste encore deux lignées notables ; elles ont fixé une morphologie et un comportement originaux qui se sont diffusés dans certaines ganaderías : ce sont les encastes hidalgo barquero (1) et vega villar, très minoritaires mais d'une grande importance dans l'ensemble de la cabaña brava.

Beaucoup de ganaderías naîtront du tronc vázquez, surtout par veragua qui est du pur vázqueño. Mais du sang vistahermosa sera transfusé dans la presque totalité des élevages braves, si bien que la plupart des vacadas vazqueñas ont été croisées, absorbées ou remplacées par du sang vistahermosa.
Il en reste des exemplaires notables dans les ganaderías CONCHA Y SIERRA et PRIETO DE LA CAL, où l'on peut encore admirer leur beauté. Quelques-uns dans la Asociación Nacional de Ganaderías de Lidia (ANGL), mais ils sont plutôt d'origine vega villar (vaches de l'ancienne ganadería du Duc de VERAGUA avec des sementals de SANTA COLOMA). Et puis il y a la ganadería portugaise des Herederos de María do CARMO PALHA.
Il ne faudrait quand même pas oublier Juan Pedro DOMECQ qui, par quelques rares familles à peu près pures, est peut-être le principal reposoir des restes du sang vazqueño.