FICHE ENCASTE

tulio

Constitution de l'encaste : 1931/1932



_ Les dates et le processus de création des célèbres tulios sont assez contradictoires (par exemple, certains pensent que le 1er achat daterait de 1939 et non de 1931/1932). On retient ici la solution qui semble à la fois la plus cohérente avec l'ensemble des données et la plus simple. En 1932, achat de ces pedrajas, avant la constitution formelle de l'élevage (avec création de ce qu'on appelle ici, par convention, une "pâture" Pâture de Tulio et Isaías VÁZQUEZ ROMÁN). En 1935, achat de murube "ancien" à Joaquín MURUBE TURMO ; il rejoint la pâture. En 1939, achèvement du processus avec l'achat d'une "pointe" de parladé chez TORRE ABAD et la création officielle de l'élevage proprement dit. Cet encaste vistahermosa de haute volée, communément appelé "tulio", est donc créé à partir de 1932 par les deux frères VÁZQUEZ ROMÁN. Malgré une certaine confusion quant aux dates d'origine des éléments de base de l'encaste, il y a une réelle unanimité sur sa nature : du pedrajas dominant additionné de murube ancien, plus une pointe de gamero cívico, ce qui donne un encaste "pedrajeño". Voici maintenant quelques détails :
* Tout le monde, y compris les ganaderos, admet que l'encaste tulio est essentiellement pedrajas ; le type des toros va aussi dans ce sens : que l'on se réfère au toro placé en en-tête, un splendide "tulio" lidié à Vic-Fezensac en 1990. Les informations classiques mentionnent un achat direct de bétail à Antonio GARCÍA PEDRAJAS ; mais celui-ci est mort en 1931 : les frères VÁZQUEZ lui auraient-ils acheté du bétail préalablement ? ou bien l'attribution à PEDRAJAS serait-elle plus "symbolique" que matériellement exacte ? La question se pose d'autant plus que la date de cet achat est souvent donnée comme postérieure à l'achat de 1935, voire à celui de 1939 ! On opte ici pour une référence plus "symbolique" que matériellement exacte à Antonio GARCÍA PEDRAJAS : l'achat se serait fait auprès de ses héritiers, tout de suite après sa mort, en 1931/1932 comme le dit une source ; il s'agit de pedrajas alors au sommet de leur forme. Ah ! cette manie du secret dans l'alchimie de l'élevage bravo... A croire que la méfiance paysanne n'est pas un vain mot. _ La composition de cet achat de base est par contre bien connue : 50 vaches vaches de ventre, plus 20 vaquillas (tientées ? ou non ?) [seules quelques sources mentionnent ces vaquillas...] et 2 étalons nommés "GRILLITO" et "NOCHEYSOL". Il semble évident que les frères VÁZQUEZ se mettent à sélectionner selon leurs critères, c'est pourquoi on fait remonter la création de l'encaste au 1e'r achat... alors que l'élevage n'est pas encore juridiquement constitué [voir Pâture de Tulio et Isaías VÁZQUEZ].
[N.B._ Vu certaines sources, on ne peut exclure entièrement que les frères VÁZQUEZ aient acquis tout ou partie de la part d'une hypothétique fille d'Antonio GARCÍA PEDRAJAS prénommée María... Dans ce cas, cette part serait probablement une part gérée depuis 1931 par son frère Francisco et sa soeur Madeleine.]

* En 1935, l'encaste est complété par l'achat d'un lot à Joaquín MURUBE TURMO, très grand aficionado et maître garrochista, qui, cette même année 1935, vient de se porter acquéreur de l'élevage de Pedro FERNÁNDEZ DURÁN, issu de la succession de GUADALEST... Mais est-ce bien un lot de ce bétail qu'achètent les frères VÁZQUEZ ? C'est bien peu probable car il s'agit d'un encaste à dominante vázquez par HIDALGO BARQUERO (2) [cf. encaste hidalgo barquero (2)] ; mais alors on devrait trouver dans le nouvel encaste la diversité correspondante des pelages or il n'en est rien [cf. les encastes núñez et torrestrella où un faible pourcentage de vázquez, voire une pointe de cabrera, suffit à faire apparaître une grande diversité de pelages]. Les pelages des "tulios" sont au contraire typiques du murube - parladé. De fait, certaines sources disent que les frères VÁZQUEZ ont acheté chez Joaquín MURUBE TURMO du murube ancien ; cela supposerait que ce Joaquín le possédait déjà, et ce n'est pas si invraisemblable en soi, plus encore quand on s'appelle MURUBE ! Ce Joaquín MURUBE aurait donc liquidé ses murubeños plus ou moins occultes en achetant son élevage ; c'est du moins l'hypothèse ici retenue car c'est la plus cohérente avec la réalité... encore qu'on ne puisse exclure totalement l'éventualité selon laquelle ce bétail viendrait de GUADALEST ou de Pedro FERNÁNDEZ DURÁN. La composition de ce lot n'est pas connue.
[Autre hypothèse parfois mentionnée : les frères VÁZQUEZ auraient acheté leur bétail murube directement à Antonio et Carlos URQUIJO : la chose est matériellement possible... Dans ce cas, il auraient pratiquement liquidé le bétail issu de GUADALEST (cf. les pelages) : mais alors, pourquoi l'avoir acheté ??? C'est la raison pour laquelle cette éventualité n'est pas retenue ici. D'ailleurs, que signifierait l'indication de murube "ancien" si le bétail provenait d'URQUIJO ?]

* Au regard de toutes ces (relatives !) incertitudes, le dernier apport paraît presque limpide ! En 1939, les frères VÁZQUEZ acquièrent du bétail gamero cívico chez... GAMERO CÍVICO. Or Luis GAMERO CÍVICO est mort depuis 1921 ! Et dès 1925, les GAMERO CÍVICO TORRES, ses héritiers, ont tous revendu leur part ; toutefois, de 1921/1925 à 1941, la famille se garde un lot sous le nom de TORRE ABAD : où tout s'éclaire ! La composition de ce lot est inconnue... mais il ne s'agit probablement que d'une "pointe" de bétail destinée à renforcer la caste.

Comment les frères VÁZQUEZ amalgament-ils au juste ces 3 bases : murube, pedrajas et gamero cívico ? C'est leur secret. Mais d'une part, leurs trois sources sont très cohérentes entre elles [la lignée murube - ibarra - parladé donne les lignées : °gamero cívico ; et °correa - pedrajas]. D'autre part, l'élément central ne peut être que le pedrajas. Par contre on connaît fort bien leur esprit : une sélection acharnée, très soignée et attentive, visant à obtenir un toro sérieux ; on l'aura compris, la casa se refuse énergiquement (peut-être vaudrait-il mieux dire "héroïquement" !) à tout "arrangement" des cornes...

Caractéristiques de l'encaste tulio :
° Pelages fondamentaux : negro dominant, mais aussi castaño, colorado et tostado. Voici un bel exemplaire tostado.
° Particularités de pelage : bociblanco et ojo de perdiz chez les colorados ; bragado, listón, meano ; plus quelques bocidorado et chorreado.
° Cornes : majoritairement astiblancas, bien dirigées, et bien développées (ceci davantage que chez les pedrajas classiques) encore qu'elle le soient moins que chez le parladé-gamero-cívico et parladé - lacorte ; beaucoup de acapachado, corniapretado et cornidelantero astifino.
° Morphologie : très typée pedrajas ; peu de "carcasse", pas énormes, c'est une erreur de les engraisser trop. Ces toros sont jolis (bonitos) et ne manquent pas de trapío (allure). La tête est large de tempes et le museau camus (chato) ou droit. Le cou est plutôt moyen voire court ; le morillo bien marqué et le fanon (papada) bien visible. La ligne dorso-lombaire est droite et légèrement inclinée vers l'arrière : type très légèrement aleonado (le toro de combat est naturellement aleonado ; c'est la sélection qui réduit ou inverse cette conformation). La croupe est bien arrondie mais pas très ample. Les extrêmités sont de longueur moyenne, fines et fortes. La queue est longue. La peau est fine et lustrée.
° Force : redoutable... surtout à l'époque de leur splendeur !
° Comportement : toros de tempérament, vifs, avec beaucoup de présence et même d'arrogance en piste ; on les appelle les "tulios" ou les "tigres cornus" ; ils appartiennent à la légende du toreo... même si les toreros capables de venir à bout de leur sauvagerie/férocité (fiereza), de leur tempérament âpre et avisé (sentido), de leur ardeur au combat (codicia), ne courent pas les rues ! D'une bravoure remarquable, ces toros chargent inlassablement le cheval ; s'ils veulent pouvoir faire une faena, les matadors doivent prendre garde à ne pas les laisser se vider dans ces premiers assauts, sinon ils sont épuisés et se gardent après les piques.

Le 18 juillet 1943 à Séville, sort une bravissime corrida qui fait éclater la grande réputation de la ganadería ; les toreros sont Paquito CASADO, "Dominguito DOMINGUÍN" et Manolo CALDERÓN ; le toro "GAMITO" se révèle "de bandera"... et inflige à CALDERÓN une gravissime blessure. Dans les années 1950, la ganadería connaît un moment extraordinaire : le 27 mai 1951, à Madrid, un lot de novillos obtient 8 chutes de picadors, 2 novillos sont récompensés de la vuelta al ruedo, le sixième prend six piques pour... quatre chutes ! "Casi nada !"
Quarante ans plus tard, ces toros sont toujours là avec leur fiereza (sauvagerie/férocité) tandis que les pedrajas de María Luisa DOMÍNGUEZ PÉREZ DE VARGAS s'expriment sur le registre de la noblesse... toutefois sans mollesse ni fadeur, au contraire, avant de dégénérer quelque peu chez les héritiers. Comment se fait-il que vers 1995 cet encaste bascule vers le "genio" et se mette à faire des sorties consternantes ?... Manque de soins ? Défaut de sélection ?... [il est tout aussi consternant de constater chez les "maríaluisa" une dérive vers la noblesse molle, fade, et vers la faiblesse...]. L'encaste se remontera-t-il ?...