FICHE ELEVEUR

Felipe de PABLO-ROMERO y CÁMARA


naît : 1929/1933
meurt : 1979-07-04


Tout en conservant le privilège de superviser les lots de toros des corridas, le père a confié la ganadería à son fils Felipe ["III"] depuis un certain temps. Il est quelque peu désabusé. Le constat qu'il dresse à 77 ans est accablant : "Je me suis retiré depuis longtemps pour voir si ceux-ci [ses fils] ont le courage de continuer. Je suis dégoûté par la Fiesta qui est devenue un spectacle de peu d'intérêt. Avant, on vantait la caste du toro face au cheval, sa puissance, sa prestance et sa noblesse. Et on savait voir un torero qui avait bien compris un toro difficile. Aujourd'hui, peu importe que la corrida ait été petite et mansa : si elle se laisse couper les oreilles, on décrète qu'elle a été bonne. Alors, je comprends que les toreros choisissent les ganaderías qui collaborent le mieux. Mais autrefois, c'était différent. Maintenant, paraît-il, un monsieur vient au nom du torero pour dire à l'empresa et au ganadero quels sont les toros qui lui plaisent, à lui. L'argent prime sur tout. Or une ganadería doit être menée dans la dignité, ou pas du tout." "Comme son père José Luis, Felipe fut un grand ganadero, commente Manolo, le 4e de la dynastie des MUÑOZ, mayorales chez PABLO-ROMERO. J'ai commencé à ses côtés. Felipe était en train de moderniser la ganadería mais il n'en eut pas le temps. Changer le caractère d'une ganadería ne se fait pas en 2 jopurs, surtout si on ne veut pas chercher ailleurs les caractères qui manquent. Et il n'y a pas eu de croisement : depuis les années 50, rien n'est entré ni sorti d'ici. J'ai tout vu. Et avant, je n'ai entendu parler de rien ; si cela a eu lieu, je n'en sais rien." C'est la version offcielle !...
En 1975, à la mort de son père, José Luis de PABLO-ROMERO y ARTOLOITIA, Felipe "III" hérite donc de la ganadería et du fer [toujours officiellement sous le nom de la même Société Anonyme PABLO-ROMERO], avec leurs pablorromeros. L'avenir est problématique. "Je suppose, avoue alors Felipe, qu'il y a peut-être un problème de consanguinité. Cela fait plus de 80 ans que nous n'avons pas rafraîchi le sang" Toujours cette occultation de l'apport saltillo des années 1917-1920... "Mais croiser avec des sementales extérieurs équivaudrait à prendre le risque de perdre certaines des caractéristiques, très fixées, qui définissent notre élevage." Au sein du conseil d'administration de la S.A. PABLO-ROMERO, des voix s'élèvent pour contester les choix de Felipe qui en est maintenant le gérant ; mais, avoue-t-il alors, "Heureusement, mes critères prévalent encore et il n'y a aucun risque de modernisation...".
Tout en suivant les traces de son père, Felipe fait appel à tous les moyens de son époque. Il cherche comme nul autre à améliorer l'état de ses toros avec toutes les ressources de la biologie, de la génétique et de la médecine vétérinaire, avec l'École vétérinaire de l'Université de Cordoue, sous la direction du professeur Diego JORDANO et de son équipe. Ses recherches portent essentiellement sur la préoccupante question de la faiblesse et des chutes des toros, qui commence à toucher son élevage... comme bien d'autres. Les premières conclusions du professeur JORDANO sont un défaut d'irrigation de la moelle épinière [des 'bouchons' probablement congénitaux dans les artères correspondantes]. Curieusement, on trouve la même chose chez des chiens (Allemagne) et des chevaux (Angleterre) : problèmes de consanguinité ???... En tout état de cause, une alimentation plus juste et l'adjonction de vitamines ainsi que de sels minéraux semblent donner de bons résultats... Quant à elle, la UCTL s'engage guère dans la recherche, comme Felipe l'aurait souhaité : représailles ? indifférence ? volonté d'affadir le toro ?...
Felipe consacre beaucoup beaucoup d'argent à la rationnalisation des méthodes traditionnelles d'élevage. Les mauvaises langues disent encore qu'il s'y est ruiné en vain... ce qui les dispense sans doute de s'atteler au problème et leur permet de jouir tranquillement du toro diminué, voire invalide, pour amasser les billets sans transpirer ni risquer beaucoup. Felipe confie volontiers à son ami de toujours, Filiberto MIRA : "Mes toros pourront sortir braves ou mansos : ça ne dépend pas de moi. Et quand tu penseras devoir les juger avec sévérité, vas-y carrément. J'espère seulement que jamais tu n'auras à dire que la présentation faisait défaut : je continue dans la voie de mes prédécesseurs."
De fait, digne héritier de ses pères, Felipe a une haute conscience de ses responsabilités. En mars 1979, Alain P. LAVAUD l'interviewe longuement pour le compte de la revue nimoise "TOROS". Il lui déclare notamment : "Maintenir le prestige, le nom, la pureté de la race et la tradition constitue pour moi une responsabilité très grave. J'ai été le premier éleveur à reconnaître publiquement que les taureaux tombaient. Ce qui manque le plus aujourd'hui, c'est l'afición. L'afición pour de vrai. L'afición a los toros me tiendra tant que je vivrai mais je compte quitter les affaires bien plus tôt [que les... 85 ans dont LAVAUD lui parle !]. Mes quatre enfants sont aujourd'hui accaparés par leurs études mais j'ai confiance en eux, je sais que l'un d'entre eux prendra la relève." (TOROS N°1098-1099).
"Bien plus tôt"... Il ne croyait pas si bien dire. Quatre mois plus tard, le 4 juillet 1979, ce ganadero de haute stature morale meurt prématurément suite à une banale intervention chirurgicale. Il n'a pas 50 ans... La ganadería entre dans une ère de turbulences avec son frère aîné José Luis de PABLO-ROMERO y CÁMARA ; peu intéressé par la gestion de la gandería, il fait appel à son jeune frère Jaime... qui n'y connaît rien non plus mais qui va se lancer dans l'aventure avec entousiasme.