FICHE ELEVEUR

Domingo HERNÁNDEZ MARTÍN


naît : 1943
meurt : 2018-02-02


Grâce à l'excellent Terres Taurines n°59, d'octobre-novembre 2015, comme source principale, nous avons la chance d'entrer dans l'intimité d'un grand éleveur actuel, Domingo HERNÁNDEZ MARTÍN (accompagné de son fils Justo HERNÁNDEZ ESCOLAR), et de ses 2 prestigieux élevages : l'élevage éponyme et GARCIGRANDE. Quelles que soient nos sensibilités, cela permet de mieux comprendre les complexités et les subtilités de l'élevage du toro bravo, loin des idées toutes faites ou simplistes.

Fils et petit-fils d'agriculteur, Domingo HERNÁNDEZ MARTÍN est originaire de Fuenlabrada (en réalité, il est né à Humanes de Madrid, 6 km au sud-ouest de Fuenlabrada, où il habite depuis 1967, année de son mariage avec Concha ESCOLAR GIL, soeur du célèbre ganadero de Fuenlabrada : José ESCOLAR GIL). Il a grandi dans les fincas de la famille. Ces terres ont été vendues... et valorisées comme terrains à bâtir. Mais son goût de la terre n'a pas disparu quand elle s'est vendue : il en a acheté d'autres... et l'on peut dire qu'il s'est fait tout seul pour arriver aux sommets de la ganadería brave. Les personnes qui le fréquentent le considèrent comme un homme bon, chaleureux, généreux et digne.
Il commence son aventure ganadera, en 1973, avec l'acquisition, probablement par héritage, de la finca de son beau-père, José ESCOLAR GARCÍA dit PICHORRONCO, appelée GARCIGRANDE. Son rêve est alors d'élever du santacoloma. Marié avec Concha ESCOLAR, il acquiert, par son beau-père PICHORRONCO>, figure haute en couleur de la région madrilène (Fuenlabrada en l'occurence), un lot issu de Dionisio RODRÍGUEZ, dont le santacoloma est à dominante ibarra/ybarra plutôt que saltillo. Mais, pour des raisons familiales, il doit s'en défaire [à 100% ?...]. Ayant repris l'élevage bravo et combiné 3 encastes différents, il parviendra à ses fins de réussite trente ans plus tard : à partir des pueblos (donc des arènes 3e catégorie) où son beau-père José ESCOLAR GARCÍA vend ses toros, il s'impose jusqu'à devenir une base indispensable des grandes ferias, que ce soit
° avec l'amalgame de 2 encastes, absorbés par du juanpedro de Juan Pedro DOMECQ SOLÍS -années 1980-, de ses Domingo HERNÁNDEZ...
° ou avec ses purs juanpedro de Juan Pedro DOMECQ SOLÍS -années 1980- de ses GARCIGRANDE, placés au nom de son épouse, Concha ESCOLAR GIL, la soeur de José ESCOLAR GIL (lequel a réussi, un jour de 1981, l'exploit unique d'acheter un vieux semental et trente cinq vaches directement issus de Victorino MARTÍN ANDRÉS)...
° ou encore avec une combinaison des deux élevages dans un même lot de 6 toros. Et lui qui, au début, ne savait ni à quel prix il pourrait vendre... ni s'il serait payé ! vend aujourd'hui au meilleur prix toutes les corridas de ses 2 fers.

Dans les années 80, il achète leur fer et leur bétail à 3 élevages :
° bétail, fer et devise de MARIBÁÑEZ en 1980, qu'il éliminera rapidement ;
° bétail (devise ?) et fer d'Amelia PÉREZ-TABERNERO, alors devenus propriété de Enrique MARTÍN ARRANZ et Pedro SAAVEDRA, l'apoderado d'EL FUNDI en 1985 ;
° bétail (devise ?) et fer de Domingo ORTEGA en 1986, un fer qu'il cèdera rapidement à Juan Pedro DOMECQ SOLÍS... contre un lot de vaches et un semental.
On considère ici que ces trois achats transitent par ce qu'on appelle ici une "pâture", c'est-à-dire un troupeau réel qui n'a pas encore de fer reconnu : la Pâture de Domingo HERNÁNDEZ, où l'on trouvera le détail de la composition de l'élevage éponyme ainsi que de GARCIGRANDE.
Au fur et à mesure, Domingo HERNÁNDEZ met donc les vaches d'Amelia et d'ORTEGA dans l'élevage et sous le fer à son nom, avec des sementals de Juan Pedro DOMECQ SOLÍS issus de son GARCIGRANDE ; il constitue ainsi, peu à peu un nouvel encaste dans la lignée juanpedro : le domingo hernández, évidemment très roche du garcigrande. Il laisse le pur juanpedro seulement à GARCIGRANDE et sous le fer de GARCIGRANDE.

Au départ, Justo HERNÁNDEZ ESCOLAR (son prénom complet étant Justo José), le fils de Domingo, suivait son père partout. Il n'avait guère droit à la parole, mais il apprenait, forgeait sa personnalité et prenait ses galons ; quant à sa soeur Concha, elle aussi s'intéresse à la gander 0237a deuis toujours. Leur père raconte : "Justo, au début, toréait beaucoup de vaches au campo. C'est ainsi qu'il est entré dans la ganadería. À force d'y être, de montrer [en quel sens au juste ?] les toros, j'ai vu qu'il était doué et que je pouvais prendre du recul ; c'est ce que je souhaitais. Maintenant (2014/2015), je vais voir tel ou tel lot avec lui de temps en temps, mais je lui fais confiance depuis le jour où il a réussi à faire embarquer par Pablo LOZANO un toro dont il ne voulait pas. Justo est aussi maquignon que son grand-père PICHORRONCO [José ESCOLAR GARCÍA] ! Il est très habile dans la discussion et obtient ce qu'il souhaite sans jamais se fâcher. Par contre, les jours de corrida, il est insupportable. Moi aussi, d'ailleurs. Ces jours-là, nous ne nous approchons pas l'un de l'autre. Nous nous engueulons au moins 2 ou 3 fois dans la matinée. Quelles broncas !" Et ce d'autant plus que -pour employer une terminologie commode- Justo est aussi torerista que son père est torista...
Domingo ne cache pas non plus la manière dont il vit ses corridas. "Jusqu'à ce que ce soit terminé, je ne vis pas. Et à Madrid, n'en parlons même pas. Tu sors des arènes, et même si cela s'est correctement passé, tu penses déjà à la prochaine... Tout le monde nous le met difficile [joli hispanisme !] : le public, les vétérinaires... Nous avons une pression terrible de la part des toreros. Ceux qui tuent nos corridas attendent d'elles que tous les toros embistent, et si ce n'est pas le cas, ils vont voir ailleurs ou se fâchent pour de vrai. Heureusement que pour le "JULI", tout est bon. Le toro qui embiste trop pour certains autres toreros est peu de choses pour lui. Il est terriblement capable. Personne ne fait de cadeau à personne. Celui qui est en-haut, c'est qu'il l'a mérité. Mais aujourd'hui, il est plus difficile que jamais d'être torero." De là à dire qu'il est plus facile d'être ganadero, il y a un pas qu'il serait fort imprudent de franchir : crise et niveau d'exigence obligent.
On lira dans GARCIGRANDE l'action, très originale, de Justo
Actuellement (2015), Domingo gère tous les aspects matériels de la ganadería depuis son bureau de Fuenlabrada : personnel, cultures et matériel agricole, pienso, vétérinaires, chemins, banque... De son côté, son fils Justo a en charge les tientas et la vente des courses. En effet, Domingo HERNÁNDEZ ne supporte plus l'esprit des transactions du XXIe siècle : il y a toujours un problème et il faut changer un toro, par excès ou par défaut, selon que l'empresa a plus de force que les toreros ou l'inverse. Il faut savoir négocier pour résister le mieux possible, sans se fâcher, quand un client cherche à abuser.
Pour ce qui est de la tienta des machos, Domingo y vient systématiquement ; chaque année, on tiente 6 ou 7 becerros choisis dans les meilleures familles, et parfois davantage. Autant dire que la fine fleur de chaque camada (ensemble des têtes nées la même année) est lidiée dans l'élevage même.
Domingo HERNÁNDEZ meurt à Madrid, le vendredi 2 février 2018, des conséquences d'une pneumonie. Il a pas mal réeussi à réalser son rêve de toujours : "Que mis toros se quieran comer la muleta por abajo en cada pase" : que mes toros cherchent à "manger" la muleta par le bas à chaque passe.
Son fils Justo HERNÁNDEZ ESCOLAR lui succède, désormais seul, à la tête de Domingo HERNÁNDEZ (2).