FICHE ELEVEUR

Justo HERNÁNDEZ ESCOLAR


naît : 1986
meurt :


Lorsqu'il succède à son père Domingo HERNÁNDEZ, décédé en févrierv 2018, à la tête des 2 élevages familiaux (à savoir Domingo HERNÁNDEZ> et GARCIGRANDE) Justo HERNÁNDEZ ESCOLAR est déjà plus qu'un aide de son père : au fil des années, il est peu à peu devenu le "patron" des 2 ganaderías... bien qu'ayant une "philosophie" assez différente de celle de son père.
Voir les fiches de ces 2 élevages ; mais aussi les 2 fiches éleveur correspondabtes : Domingo HERNÁNDEZ et, pour GARCIGRANE, Concha ESCOLAR GIL. On y trouve déjà nombre d'informations sur Justo HERNÁNDEZ

Avec Justo comme ganadero officiel, l'élevage Domingo HERNÁNDEZ, qui ne change pas de nom, devient ici Domingo HERNÁNDEZ (2).

Il est intéressant de noter encore quelques points de vue de Justo. La plupart vient de l'excellent N°59 de Terres taurines.
° La famille HERNÁNDEZ a eu une vingtaine de toros graciés : qu’en dit Justo ? "Il y a des toros graciés ayant des caractéristiques que tu n’avais pas recherchées : tu les découvres à ce moment-là... Mais c’est ce que le public a demandé, et je crois que le toro gracié l’a bien gagné : il mérite de vivre même s’il ne sert pas de reproducteur." Donc il n'est guère question qu'un tel événement influe sur ses perspectives de sélection... Mais ce respect de l'animal mérite d'être souligné : tous les ganaderos n'ont pas cette délicatesse...
Un exemple.Le toro "HIGUERO" (de Domingo HERNÁNDEZ>), gracié à Salamanca le 14 septembre 2016 par Juan DEL ÁLAMO, ne plaisait qu’à moitié à Justo : "Je ne veux pas d’un toro trop haut parce que c’est un toro qui a une charge sans classe, sans profondeur, même s'il charge comme un fou." Pourtant "HIGUERO" se retournait comme un félin, faisant ainsi honneur à une caractéristique chère au ganadero : la flexibilité.
° Justo ose dire que des échecs peuvent être salutaires : "Les mauvaises courses refroidissent l’engouement des vedettes et des publics pour ta ganadería, dit-il, et elles t’affectent moralement. Tu te demandes si tout le mal que tu te donnes en vaut la peine. Cependant, parfois, les succès peuvent te tromper bien davantage que les échecs. Tu te bats pour les triomphes, alors quand tu ne les obtiens pas tu essaies d’en apprendre quelque chose."
° Il est davantage pragmatique qu'idéaliste : "Plutôt que le toro complet, il vaut mieux chercher un toro avec de la personnalité, qui permette au torero qui le torée de vivre une émotion et de la transmettre au public. Il n’est pas nécessaire pour cela que le toro soit complet. Ce qu’il faut, c’est faire vivre l’aficion, que le public se régale et qu’ensuite il ait envie de revenir."
° Le monoencaste domecq ? "Depuis toujours, les ganaderos cherchent à acquérir les meilleurs toros du moment [voilà une vérité première: elle régne depuis la constitution des ganaderías]. Aujourd’hui, les domecq se sont tellement répandus et depuis si longtemps qu’ils se sont partagés en une multitude d’encastes différents. Les 5 ou 6 ganaderías d’encaste domecq qui "fonctionnent" actuellement ne sont vraiment pas les mêmes. Que de différence entre Victoriano DEL RÍO, Juan Pedro DOMECQ, NÚÑEZ DEL CUVILLO ou JANDILLA [on pourrait y ajouter... Domingo HERNÁNDEZ ! et aussi FUENTE YMBRO, par exemple !] : chacune a sa personnalité propre, et si on ne savait pas leur origine commune, on pourrait s’y tromper."
° Que pense-t-il du torisme... et donc des toristas ? "Le torisme cherchait une émotion dans le toro dur au moment où les toros énormes qu’on exigeait alors se sont mis à tomber. Aujourd’hui, c’est fini." - Comme quoi on peut dire quelque chose de vrai... tout en bottant en touche ! Pour Justo, le toro dur, le toro à problèmes, est "démodé" ; il "ne plait qu’à une poignée d’aficionados vieux-jeu : il ne vaut même pas la peine de s’en préoccuper" : voilà des propos qui n'enchanteront pas tout le monde... mais il serait difficle de contester leur pragmatisme !
° Et les antitaurins ? "Je les vois comme des personnes désinformées [plutôt simpliste, certes, mais pas faux]. Ce qui me préoccupe, c’est qu’ils politisent la Fiesta et que cela te rend partenaire de la politique [ incontestable !], alors que toros et politique n’ont jamais marché main dans la main [il serait dangereux d'en mettre sa main au feu...]."
° Cette ganadería est-elle rentable ? Justo reconnaît que ses toros sont rentables : "J’aime mon travail de ganadero, et en plus… c’est rentable ! Mais ce serait pareil s’il ne l’était pas…" Évidemment, la tension vécue à chaque corrida n’en est que plus énorme. Domingo : "Nous subissons une pression terrible parce que si notre toro n’embiste pas, les toreros se fâchent pour de bon. Heureusement que JULI se débrouille avec tous…"
° Et l'avenir de la corrida ? Justo a quelques idées en tête. A priori, elles ne seront guère du goût de l'ensemble de l'aficion classique. Mais elles méritent d'être entendues, réfléchies... et peut-être mises en oeuvre -serait-ce en les aménageant-. Pour lui, Juan Pedro DOMECQ SOLIS fut le premier à oser déclarer que le toreo devait se structurer à l'image de la Champion's League ; mais -comme pour son célèbre corredero-, il était venu en chercher l'idée à GARCIGRANDE.
Justo HERNÁNDEZ : "Préserver l'avenir n'est pas une chose facile et les seuls qui peuvent y parvenir sont les toreros consacrés. Mon idée, que j'ai confiée à certains, est que le toreo doit fonctionner comme la Formule 1 ou le foot : la compétition y est réelle, on peut perdre tout autant que gagner. Pour cela, il faut ouvrir les cartels et tirer les ganaderias au sort. Puis le vendre à une télévision : les vingt meilleurs toreros, les vingt meilleures ferias et les vingt meilleures ganaderias. Et s'organiser comme l'est le foot. Il faut en finir avec les arrangements divers. Si, dans le foot, il n'y avait que des matchs amicaux, les gens n'iraient pas ! C'est pourtant ainsi que fonctionnent les toros. Il y a toujours de bonnes raisons pour ne pas innover... On te dit que ni la rivalité ni tuer telle ou telle corrida ne sont nécessaires. Pourtant, aujourd'hui, de vrais chocs sont nécessaires ; mais il n'y en a pas parce que l'un n'en veut pas, que l'autre ne se sent pas en forme... Le Real Madrid et le Barça, même s'ils ont la moitié de l'équipe blessée, ils sont obligés de jouer l'un contre l'autre. Et si l'un est affaibli, tant pis pour lui. L'autre lui met six buts, et on vire l'entraîneur ou le président. Mais ils doivent jouer. Dans les toros, cela ne se passe pas comme ça. On ne se met pas en situation de perdre."
Il n'y a guère [pas après 2015], quelqu'un eut l'idée d'un mano a mano entre JULI et José TOMÁS dans le stade de l'Atlético Madrid. Mais quand JULI coupa quatre oreilles et une queue à Jeréz et que José TOMÂS le vit, le projet capota. Au lieu de cet événement mondial, José TOMÂS imposa de toréer à Badajoz avec Padilla devant...
" Tout le monde cherche à jouer avec les meilleures cartes, poursuit Justo, mais dans le foot cela n'existe pas. Si tu n'es pas en forme, tu perds. C'est comme ça. C'est ce qui manque dans le monde des toros : une vraie rivalité ouverte. Elle existe, bien sûr, car les toreros jouent leur va-tout chaque après-midi ; mais les gens ne s'en rendent pas compte.
C'est ce système que je voudrais implanter, mais c'est impossible. À la fin, quand on mit sur la table le problème des droits de télévision, sans le présenter comme il aurait fallu, les aficionados tournèrent le dos aux toreros. Heureusement qu'ils eurent le temps de faire passer la corrida sous la compétence du ministère de Culture... mais pour l'instant on ne voit pas à quoi cela a servi ! Il y eut une tentative similaire d'union voici trente ans, et elle échoua car les empresas le voulurent. C'est toujours pareil et c'est humain : chacun défend sa parcelle ; mais personne ne possède une vision d'avenir pour moderniser la Fiesta."
Comme Terres Taurines le dit depuis longtemps, faute d'une révolution éthique et culturelle, la loi de la sélection naturelle s'imposera tôt ou tard. Et le seul juge en la matière ne sera ni le torero ni l’empresa, mais le public, qui ira ou pas aux-arènes. Si l'offre correspond à la demande, le futur est assuré. C'est aussi simple que cela. Le problème est que la partie la plus fidèle et orthodoxe du public, celle qui penche vers le torisme, représente une minorité chaque jour plus réduite comme on peut le vérifier au travers de l'assistance à ce type de spectacle. Malheureusement, aujourd'hui aucune des ganaderias "dures" ne possède suffisamment d'attrait pour qu'un organisateur mise dessus : la force de vente, ce sont les toreros.
"Les époques grandioses du toreo, poursuit Justo, sont celles où il y eut de grands toreros. Le seul qui remplit les arènes et enthousiasme le public, c'est lui. S'il n'y a pas de grandes figuras, cela ne peut pas fonctionner. C'est ainsi. Dans le foot, en revanche, même sans vedettes le système fonctionne car il est structuré différemment. Le championnat allemand fonctionne sans vedette, l'italien aussi. Nous, nous avons des vedettes, mais nous sommes incapables de nous organiser. Les toreros ont essayé, mais ils ont échoué".
Leur seul succès fut de couper la tête d'Eduardo Canorea, empresa de la Maestranza de Séville, qui, après une polémique de deux ans, décida de jeter l'éponge car il ne pouvait plus supporter ni les pertes, ni la décadence de la Feria d'Avril. Un drame. Mais en fait, il ne resterait guère qu'à normaliser les relations, car, bien évidemment, la Champion's League dont parle Justo existe déjà dans les faits : avec ses cartels fermés, ses ganaderias d'élite, son circuit d'arènes accueillantes... Et Séville doit redevenir une de ses étapes obligées pour crédibiliser l'ensemble.
Ne nous leurrons pas, le versant torista de la Fiesta est en train de décliner au gré de la méforme de ses ganaderias vedettes, mais aussi parce que le grand public capable de savourer une bonne lidia, un détail ou une pique, est en voie de disparition. La grande majorité veut du spectacle, du mouvement, des triomphes et de l'allégresse, même si le toro est un peu dévalué.
"Une immense minorité me critique, ajoute encore Justo, mais la grande majorité trouve son compte au spectacle que permettent mes toros. Ceux qui y vont se régalent, c'est la réalité. Et la grande majorité d'entre eux reviendront. Les autres passent parfois les bornes dans leurs critiques, comme d'autres les passent avec leurs flatteries, et dans ce cas, je réponds toujours que c'est exagéré... Je ne sais pas l'idée qu'ils se font de moi... Je suis un type normal qui essaye de bien faire son métier pour que ses toros permettent le spectacle que la majorité veut voir partout."
Une époque se termine, une autre débute peut-être...