FICHE ENCASTE

vistahermosa

Constitution de l'encaste : 1770/1774



A partir de 1776 et pendant 25 ans, Benito ULLOA y HALCÓN de CALA, 2e Conde de VISTAHERMOSA, poursuit avec succès le rassemblement des potentialités de l'élevage créé quelques années auparavant (1770/1774) par son père, 1er Conde de VISTAHERMOSA, à partir du bétail des Hermanos RIVAS constitué de toros de la tierra d'Andalousie. [Toutefois on ne sait pas avec certitude si le bétail des Hermanos RIVAS est vraiment l'unique base de ce troupeau, et donc de cette caste fondamentale, ou s'il a eu aussi d'autres sources secondaires (certains parlent d'une certaine introduction de caste navarra... mais ils n'en donnent pas de preuve)]. Ce Benito est le véritable fondateur de la caste fondamentale vistahermosa. Le toro placé en en-tête est réalisé d'après un dessin du XVIIIe ; on notera que ses cornes paraissent plutôt généreuses si l'on s'en réfère aux descriptions de l'époque !
Aidé dans sa sélection, comme son père, par le conocedor Francisco JIMÉNEZ dit "CURRO EL RUBIO" et conseillé par les meilleurs experts de l'époque, Benito mène une sélection scrupuleuse et pertinente (en tentadero "a campo abierto", "por acoso y derribo"). Envoyant impitoyablement à l'abattoir les bêtes qui ne lui donnent pas satisfaction, il cherche à concentrer en chacun de ses toros les qualités, éparses mais bien présentes, des différents reproducteurs du troupeau. Il affine le type et améliore le comportement de son bétail.
Il aboutit, avec grand prestige pour lui et pour son élevage, à des animaux de taille moyenne, assez légers voire "terciados" (de gabarit bien moyen), à la tête petite et ramassée, mais harmonieux, de beau trapío (allure), robustes et musclés ; très braves, mobiles, combatifs et nobles avec alegría dans la charge jusqu'à la fin du combat : le prototype du toro de lidia moderne. Il devient la plus grande ganadería espagnole de l'époque. On appelle ses toros les "condesos" ; ils vont tenir le haut du pavé pendant 53 ans.
Ce toro est bréviligne par rapport aux autres de son époque ; c'est pourquoi certains le considèrent alors comme "sans corpulence, sans poids, cornicorto et de peu de pouvoir". De fait, à une époque où prévalent la sauvagerie et la puissance du toro dans l'affrontement toro-picador, ils renversent rarement ce dernier... Cependant leur bravoure les fait recharger aussi souvent qu'on les provoque, et ils restent "clairs", c'est-à-dire nobles, dans la muleta : au fur et à mesure que le travail de muleta du matador prendra de l'importance, cette qualité de noblesse deviendra prépondérante, leur bravoure restant appréciée. D'autre part _ et ce n'est pas négligeable dans la gestion d'un élevage, surtout aujourd'hui ! _ une des caractéristiques du vistahermosa est la précocité de son développement physique ; il peut donc être présenté comme "toro de lidia" plus tôt que dans les autres castes.
Voici ce que dit un texte cité comme étant de l'époque (mais pourquoi est-il à l'imparfait ?) : "Les toros de VISTAHERMOSA ne créaient pas de grands problèmes aux cavaliers, par contre il faisaient les délices de ceux qui les lidiaient. Leur particularité était de rester mobiles tout au lng du combat et d'arriver à la mort avec la même bravoure qu'au sortir du toril. Cet élevage jouissait d'une renommée extraordinaire, non seulement auprès des aficionados mais aussi auprès de ceux qui devaient le combattre. Les picadors les aimaient parce qu'ils ne subissaient que peu de chutes et qu'ils pouvaient réaliser avec eux la suerte de piques en donnant la sortie par la tête du cheval car ils se laissaient piquer. Après les quites, il était facile de les ramener au cheval, ce qui évitait pas mal de risques aux toreros."
Correspondant toujours plus à l'évolution de la corrida, depuis la lidia ancienne jusqu'à celle d'aujourd'hui, ce toro est devenu au fil des siècles le plus parfait pour le toreo : d'abord comme caste prépondérante (pure ou en croisement avec toutes les autres) puis comme caste quasi exclusive. Et cela d'autant plus que les étalons de pure caste vistahermosa sont, parmi toutes les castes, ceux qui transmettent et fixent le mieux leurs caractéristiques à leur descendance (à l'exception notable du santa coloma, dont les caractéristiques se fixent peu).
Mais il faut toujours garder à l'esprit que le toro de lidia a considérablement évolué depuis 200 ans, et plus encore dans la dernière moitié du XXe siècle, par le biais de la sélection. La conception actuelle du toro de combat n'a, à vrai dire, plus grand chose à voir avec celle des débuts, tant la société en général et l'esprit de la corrida en particulier ont changé. Cette évolution du toro est d'abord morphologique : du toro naturellement "aleonado" (= construit comme un lion : avant-train prédominant et plus haut, arrière-train plus bas et fin), on passe progressivement au toro "bajo de agujas", "bajito" (allègement de l'avant-train avec abaissement du garot _agujas_, et renforcement de l'arrière-train) et au cou plus long ; cette conformation favorise le toreo moderne qui demande au toro de charger museau au sol dans les leurres, alors que son mouvement naturel serait de charger tête haute ou horizontale. Cette évolution du toro est en même temps "intérieure" : la bravoure est devenue plus uniforme, la charge est devenue plus franche et plus durable... parfois, hélas ! jusqu'à la fadeur.
Il faut y ajouter encore le changement du mode d'élevage. La réduction des espaces consacrés au toro bravo, jointe au fait qu'on lui laisse seulement les terres les moins adaptées à la prodution agricole, obligent à la nourrir en partie, voire totalement, de façon artificielle : avec du "pienso". Chaque éleveur a sa formule et, en principe, toute la nourriture est naturelle ; mais de toute façon, le toro mange davantage de protéines et devient donc plus grand et plus lourd... comme les humains ! En plus, lui qui est naturellement paresseux, n'a plus à se déplacer pour chercher sa nourriture... Actuellement, des recherches vétérinaires importantes sont faites pour équilibrer cet apport artificiel de nourriture afin que les fibres musculaires de l'effort intense et bref, et les fibres musculaires de l'effort prolongé reçoivent chacune une alimentation adéquate : les déséquilibres dans la nutrition constituent une part sans doute notable de la faiblesse de nombre de toros. Cela étant, quelques élevages situés dans des régions montagneuses et/ou arides laissent largement leurs toros se nourrir seuls : ils s'en sortent fort bien, confirmant ainsi la rusticité de la race.

Caractéristiques du toro vistahermosa :
° Pelages fondamentaux : negro nettement majoritaire ; cárdeno assez fréquent et plutôt oscuro ; quelques colorado dont le melocotón, et castaño mais dans ce dernier cas la teinte est un peu caramel (amelocotonado) ["rubio acaramelado", dit Rafael GUERRA "GUERRITA" dans sa "Tauromachie"). Vu ce que l'on sait des toros de la tierra d'Andalousie, origine des vistahermosa, la dominante negro n'est pas naturelle, mais le résultat d'une sélection, pas forcément recherché comme tel, d'ailleurs, sauf chez les MURUBE où l'on pensera que les toros noirs sont les plus braves.
D'autre part, on a la reseña des 4 toros du 3e conde de VISTAHERMOSA envoyés à Madrid pour les fêtes du mariage du Prince des Asturies, Fernando de BORBÓN y PARMA (qui régnera plus tard sous le nom de Fernando VII) avec la princesse de Naples, María Antonia. Il y a 3 jours de corrida, dans la nouvelle Plaza Mayor : les 22, 23 et 29 juin 1803. Dans les feuillets de l’événement édités par Luis CARMENA y MILLÁN et recueillis par Rafael CABRERA BONET, de l’Unión des Bibliophiles Taurins, on trouve :
- El "LUZERO", castaño claro, bragado et cornialto, de 5 ans.
- El "BERRENDO", berrendo en negro et cornialto, de 6 ans.
- El "SILLETO", colorado, cornialto, de 6 ans.
- El "BRABO", rosado (= colorado pâle ?…) et cornilargo, de 6 ans.
Il y avait donc quelques berrendos chez les VISTAHERMOSA...

Chez LA CASTILLEJA, où le ganadero Antonio GARCÍA GALÁN prétend avoir du murube absolument pur [acheté en 1982/1983 à Manolo et Jesús CHOPERA, qui le tenaient depuis 1957 de Antonio URQUIJO encore à l'apogée], il y a des robes sardo, berrendo et même ensabanado [semble-t-il non bocinegro, à la différence des osborne]... En 1999, ce ganadero explique : "La ganadería des VISTAHERMOSA était en technicolor ; c'est MURUBE [lequel ?] qui a éliminé tout ce qui n'était pas noir parce qu'il ne voulait que des bêtes de cette couleur." Cette résurgence colorée serait dûe à une seule vache, dont il dit qu'elle fait faire "un saut [génétique] de 200 ans"... Il est vrai que ces robes sont très rémanentes, mais faut-il en conclure que le pelage des vistahermosa était plus varié qu'on ne le pense habituellement ? ou plutôt penser à quelqu'introduction, accidentelle ou non, d'un autre sang (les CHOPERA ne manquaient pas, entre autres ! de santacoloma...) ? Bien malin qui le dira !
° Particularités de pelage : surtout chorreado, généralement en verdugo, listón et lombardo ; quelques ojo de perdiz et entrepelado ; mais parfois aussi, semble-t-il, estrellado, gijón, axiblanco et bragado corrido.
Pour les mêmes raisons et avec les mêmes réserves que ci-dessus pour les pelages fondamentaux, on trouvait peut-être aussi des particularités telles que : botinero et alunarado chez les ensabanado [semble-t-il non bocinegro, à la différence des osborne].
° Cornes : petites et ramassées, voire courtes, mais harmonieuses. C'est forcément le résultat d'une sélection car cabrera et gallardo, issus ds mêmes sources, ont des armures plus grandes.
° Morphologie : plutôt petit et bréviligne par rapport à la moyenne de l'époque (ce qui les fera appeler "toritos negros", les petits toros noirs), extrémités courtes ; mais bien charpenté, l'ensemble étant harmonieux et de bon trapío. Extrémités, queue et peau fines. Poil brillant. Des estampes de toro bravo. C'est forcément le résultat d'une sélection car cabrera et gallardo, issus des mêmes sources lointaines, ont un type plus fort.
° Force : toro doté d'une masse musculaire importante, robuste, mais moins puissant que dans les autres castes.
° Comportement : très brave, se grandissant sous la pique ; combattif avec alegría, voire avec acharnement (codicia), et noble jusqu'à la fin du combat (ce qui n'est pas le propre des autres races... et qui fera le succès, ou plutôt le triomphe, ultérieur du vistahermosa). Toutefois, il ne faut pas penser qu'ils ressemblent en qualité de comportement à ceux d'aujourd'hui : ils tranchent simplement avec les autres de leur époque, qui deviennent rapidement arrêtés contre les barrières ou broncos (désordonnés) ; c'est ce qui fait dire aux toreros de l'époque, celle des Joaquín RODRÍGUEZ "COSTILLARES" (carrière vers 1750 et jusqu'à 1790) et autres Pedro ROMERO (carrière 1775-1806), que les toros "condesos" sont si nobles qu'on peut "les toréer avec un simple foulard". Depuis, ils ont été considérablement "affinés"... confirmant ainsi que leur différence reposait sur un fond génétique solide, qui restait à valoriser.

Les vistahermosa se sont scindés en de nombreuses branches, dont 4 principales : 1) MURUBE - URQUIJO. 2) MURUBE - IBARRA - PARLADÉ. 3) MURUBE - IBARRA - SANTA COLOMA. 4) SALTILLO. Plus, secondairement : MURUBE - CONTRERAS ; URCOLA ; et, en croisement avec du vazquez: HIDALGO - BARQUERO et VEGA VILLAR.