FICHE ELEVEUR

José Luis y Herederos de Felipe PABLO-ROMERO y ARTOLOITIA,


naît : 1944
meurt : 1955


N.B._ Les dates indiquées ici sont celles de l'association de tous ces ganaderos, et non celles des personnes. - Au bout de moins de 8 mois de travail commun avec son frère Felipe, le décès de Felipe, en août 1944, fait que José Luis se retrouve seul à la tête de la ganadería et de tous les biens de la famille, avec ses 10 enfants et les héritiers de Felipe (2 fils et 3 filles). Il sait désormais qu'il est le dernier des PABLO-ROMERO à gérer l'intégralité des propriétés familiales : après lui, ce sera le partage. Mais c'est le moment où commence la période la plus glorieuse de la ganadería. Six mois à l'avance, on peut voir dans les cercados de LA HERRERÍA, plantés d'encinas (chênes verts), les lots triés pour toutes les grandes arènes d'Espagne : Madrid, Sevilla, Bilbao, Pamplona, Barcelona... 10 toros dans chaque lot [les pablorromeros sont très belliqueux !], que les empresas viennent "reconnaître" mais que le ganadero est le seul à choisir [de nos jours, Miura procède encore ainsi].
José Luis fait courir à Madrid pour la première fois le 26 mai 1946 ; au cartel, "Pepe BIENVENIDA", "GALLITO CHICO" et "ANDALUZ". Profitant des évolutions dues au méticuleux travail de sélection de son père... et de lui-même puisqu'il secondait déjà en 1917 - époque du croisement avec les saltillos - ! les toros de José Luis s’adaptent avec succès à la lidia moderne, permettant aux pablorromeros de conserver leur réputation et de maintenir haut leurs couleurs et leur fer. José Luis a façonné le toro de PABLO-ROMERO moderne depuis les années 20 : c'est dans les années 50 qu'il voit l'aboutissement de son oeuvre. On mesure là le temps qu'il faut pour "faire" une ganadería... Dans toute la dynastie PABLO-ROMERO, José Luis est celui qui tire le mieux parti de la ganadería familiale. "Mon père, dit Jaime de PABLO-ROMERO, est celui qui comprit le mieux nos toros. Bien mieux que son propre père qui ne s'en occupa que très peu de temps [10-12 ans] et lui laissa la direction de la ganadería alors qu'il était très jeune." D'ailleurs, il ne serait pas invraisemblable que le jeune José Luis soit lui-même, avec l'audace de la jeunesse, l'auteur du fameux croisement saltillo...
José Luis est un ganadero scrupuleux, passionné, d'une intégrité irréprochable... et un aficionado exigeant. Comme son grand-père, Felipe "I", il ne fréquente pas le mundillo et entretient avec les toreros des relations distantes. Il les invite pour les tientas où il les reçoit courtoisement, mais ne tolère aucune intrusion dans ses champs. Ses toros, c'est dans les arènes qu'il invite à les "voir", pas avant. Quant à la presse, il la respecte aussi mais ne lui parle guère : de toute sa vie, il n'accordera qu'une seule interview ! Manolo, le 4e et actuel de la dynastie des MUÑOZ, mayorales chez PABLO-ROMERO depuis les origines, raconte : "C'était une autre époque. Du temps de José Luis, le père de Jaime, le mayoral et les vachers ne devaient paraître devant lui qu'en traje corto. Un jour, mon père [Antonio : le voici photographié en 1930, quand il n'était pas encore mayoral] qui revenait de Bilbao, où il avait dû rester un mois avec les toros, se présenta devant Don José Luis en costume de ville, à peine descendu du train. Le ganadero lui demanda s'il était devenu foconctionnaire... Et il n'écouta sa reseña qu'après qu'il se soit changé. Don José Luis n'a jamais vu une de ses corridas. Jamais. Il ne le supportait pas. BENAZUZA, dans le grand patio des palmiers, il restait des heures sans parler, les jours de corrida. Il ne recommençait qu'après avoir reçu le télégramme du mayoral. C'était un personnage." Jaime de PABLO-ROMERO y CÁMARA, 9e des 10 enfants de José Luis et dernier des ganaderos du nom, garde de son père un grand souvenir : "Il vivait la ganadería comme le luxe le plus merveilleux qui ait pu lui être offert. Il nous a appris, à nous ses enfants, qu'elle était au-dessus de tout, qu'elle était l'image publique et extérieure de la famille PABLO-ROMERO. Il agissait toujours avec beaucoup de bon sens, de respect, d'humilité. Il vivait pour la ganadería, mais totalement en marge du mundillo. Les jours de corrida, il n'allait jamais aux arènes et attendait à BENAZUZA le télégramme du mayoral. Il voulait tout savoir, le jeu des toros, des toreros, et même s'il y avait du monde sur les gradins..."
Cette attitude seigneuriale voir hautaine, calquée sur celle des ganaderos de l'ancien temps, tranche avec celle de la plupart de ses confrères qui, hormis quelques exceptions, ont abdiqué tout pouvoir devant la volonté hégémonique d'un nouveau venu dans le panorama taurin : l'apoderado. Il s'agit en l'occurrence de celui du grand "MANOLETE" : José FLORES "CÁMARA", que l'on voit ici en train d'attacher les "machos" de "MANOLETE". Dans les années 40, un conflit opposant José Luis à "CÁMARA" aboutit à un veto du torero, alors en pleine gloire, contre l'élevage. Ce veto freine considérablement l’essor de la devise jusqu'à la mort accidentelle de "MANOLETE", en 1947, après quoi l'élevage reprendra naturellement son rang. L'anecdote est on ne peut plus parlante.
"MANOLETE" remporte son premier grand succès de matador en 1939, le mois même de son alternative et lors de sa 3e corida de toros, face aux toros de PABLO-ROMERO, au Puerto de Santa María. Par la suite, il combattra encore des pablorromeros 3 fois en 1940 et 2 en 1941, ne coupant qu'une seule oreille sur 12 toros, le 12 juin 1941 à Granada. Comme JOSELITO et BELMONTE en leur temps, il fait un geste deci delà pour éviter que les critiques ne fusent... ce qui ne suffit pas ! Dès sa 3e temporada comme matador, le public reproche à "MANOLETE" les exigences de "CÁMARA" qui impose aux ganaderos d'envoyer pour son torero les toros de son choix et de les "humaniser" - terme pudique du mundillo pour évoquer l'afeitado -. Le toreo profilé de "MANOLETE" indisposait déjà les aficionados orthodoxes : c'en est trop maintenant.
En 1941, donc, "MANOLETE", pourtant très bien avec un toro d'une de ses ganaderías préférées, se fait un jour apostropher par des spectateurs : "Oui... mais hier !". La veille, dans la même arène, un lot de PABLO-ROMERO sérieux, brave et puissant a passionné les aficionados : par leurs lazzis, ils reprochent maintenant au grand "MANOLETE" ses opposants peu conséquents. "MANOLETE" est furieux. Désireux de ne pas laisser l'injure sans lendemain, ce qui pourrait nuire à l'ima ger de son torero (1941 : nous entrons déjà de plain-pied dans les gauchissements de l'ère médiatique et financière...), "CÁMARA" demande au torero de faire taire les reproches en toréant une corrida de PABLO-ROMERO : il obtient son accord. Mais la chose ne se fera pas. L'apoderado, qui pose la condition que les toros soient afeités, se heurte au refus catégorique du ganadero. La grande revanche du mundillo contre ce genre d'exigences viendra... 50 ans plus tard ! Pour l'instant "CÁMARA" interdit toute corrida de PABLO-ROMERO dans les arènes qui veulent avoir "MANOLETE". Devant cette figure incontournable, les organisateurs ne peuvent que s'incliner. Conséquence : les pablorromeros ne peuvent plus sortir que dans les lieux où ne va pas "MANOLETE", et José Luis envoie à l'abattoir les corridas qui lui restent plutôt que de s'incliner devant le tout-puissant apoderado. Jusqu'au jour où le pouvoir de "CÁMARA" tombera... et avant que ne "tombe" ladite vengeance.
Trente-cinq ans plus tard, José Luis lui-même, alors âgé de 77 ans, confirmera les faits à Alfonso NAVALÓN : ""MANOLETE" nous a mis dehors de toutes les ferias parce que nous avions refusé d'afeiter nos toros pour lui ! Nous n'avions fait que notre devoir. Nous n'avons pas accepté tout simplement parce que ce n'était pas autorisé. Ni plus ni moins. Le jour où l'afeitado sera légal, nous couperons les cornes plus que quiconque ! En attendant, le faire équivaut à se déshonorer. Et que les taurinos ne me parlent pas d'humaniser ! Car le fond du problème n'est qu'une question d'argent. Tout se fait pour l'argent. Pas pour protéger le torero, mais pour préserver l'argent qu'il peut leur faire gagner." Triste vérité, plus que jamais actuelle, hélas. L'époque des "JOSELITO" et autres BELMONTE est désormais révolue. L'avenir seul dira si c'est le commencement de la fin de la corrida.
Toujours est-il que le veto demeure effectif en 1942 et 1943. "Ces années-là, précise encore le vénérable ganadero, il fallut lidier nos corridas dans les arènes secondaires où "MANOLETE" n'allait pas. Celles qui ne se vendirent pas, trois chaque saison, je les fis puntiller !" An 1944, le courroux du matador s'apaise : "MANOLETE" retrouve les pablorromeros le 10 août à Málaga et le 23 août à Bilbao lors d'une corrida matinale parce que suspendue la veille en raison du mauvais temps. Le ganadero n'a pas cédé aux exigences de l'apoderado, mais certaines empresas (organisateurs) ont plaidé sa cause. Le torero ne triomphe pas, mais le conflit est soldé. Certes, "MANOLETE" ne combattra plus un seul pablorromero jusqu'à la cornada mortelle de Linares, le 28 août 1947, mais "CÁMARA" ne s'opposera plus à leur présence dans les mêmes arènes que son torero. L'élevage retrouve rapidement et grandit sa réputation, permettant aux figuras des années cinquante de remporter de grand succès (c'est dans les années 70 et surtout 80 que la situation va devenir critique). Faut-il voir dans ce conflit l'origine du clivage selon lequel les ferias se structurent désormais : d'un côté les toreros vedettes face à des ganaderías "commerciales", et de l'autre les torosd-toros ? C'est possible, même si l'ère des "JOSELITO" et BELMONTE, qui voit les figures combattre moins de corridas "dures", présentait quelques signes annonciateurs... Et n'est-il pas significatif que le fossé se creuse à propos de la ganadería PABLO-ROMERO ? Plus encore que celle de MIURA, qui incarne depuis les années 1850 la version dure de la fiesta, celle de PABLO-ROMERO incarne son autheneticité en raison du grand trpío et de l'âge de ses toros.
On sait qu'en 1953, il y a 300 vaches de ventre.
Mais des tensions se font jour entre les 2 branches de la famille. En 1955, pour clarifier la situation et doter la ganadería d'une structure juridique qui préserve son avenir en évitant une future dissolution pour faire le partage entre les héritiers (d'un côté ses 10 enfants, et de l'autre les héritiers de son frère Felipe : 2 fils et 3 filles), José Luis crée la société familiale "PABLO-ROMERO Sociedad Anónima", dont il devient, évidemment, le gérant.