FICHE ELEVEUR

Francisco de Paula GALLARDO et ses fils, Francisco et Rafael


naît : 1730/1750
meurt : 1808


Les dates retenues ici sont celles de la naissance, conjecturée, et de la mort de Francisco de Paula.
Dans l'histoire de la tauromachie au XIXe siècle, le nom des GALLARDO est un nom qui compte au Puerto de Santa María. Il y a surtout les GALLARDO créateurs de la caste fondamentale du même nom ; mais on trouve aussi des GALLARDO "varilargueros" -c'est-à-dire picadors- connus, qui possédent sans doute des cuadras de caballos conséquentes, et même des toreros à pied, novilleros et banderilleros, eux moins connus. Il est certain qu'ils ont tous un lien familial entre eux, encore qu'il soit actuellement impossible de préciser lequel, faute d'étude approfondie sur la question. Il est intéressant de s'arrêter sur cette dynastie pour se rendre compte de ce que pouvait être le métier de picador à cette époque, et pour mesurer l’aficion de cette famille.
C'est ainsi qu'on trouve un Fernando GALLARDO, picador modeste, vers la fin du 1er tiers du XIXe siècle.
Le plus important et le plus fameux de la famille est Juan GALLARDO "EL BRAVO". Il fait partie de la cuadrilla de Francisco MONTES REINA "PAQUIRO", puis de celle de José REDONDO "EL CHICLANERO" auquel le lie une forte amitié. Il officie pour la 1ère fois à Madrid le 19 septembre 1842, en compagnie d'Antonio RODRÍGUEZ "ANTOÑÍN" ; ils piquent ensemble deux toros de GAVIRIA, deux de ARIAS DE SAAVEDRA et deux de Juan CASTRILLÓN, les matadors étant "PAQUIRO" et "EL CHICLANERO". Bon cavalier, d'une vaillance à toute épreuve, il doit se refreiner plutôt que se pousser mais, avec son impétuosité, il sait provoquer la charge des toros comme personne, il les "chatie" durement (pega duro a los toros), ni les coups ni les chutes ne l'arrêtent et rien ne lui fait peur. C'est un professionnel apprécié des publics et de grand mérite. Il passe sa retraite à Séville et finit tragiquement : le 6 mars 1884, au cours d'une rixe avec un sereno, il reçoit un coup de sabre qui le laisse sans vie. On sait qu'à cette époque, les picadors ne sont pas des modèles de vertu...
Son fils, Sebastián GALLARDO, né lui aussi au Puerto, n'atteindra jamais la renommée de son père. Cependant, après s'être fait remarquer en diverses arènes andalouses, il débute à Madrid le 5 août 1850, en compagnie de Francisco et Antonio CALDERÓN et de Manuel CEBALLOS -excusez du peu !-, qui débutent aussi à Madrid ; les matadors sont Julián CASAS "EL SALAMANQUINO" et Isidro SANTIAGO "BARRAGÁN". Il poursuivra sa carrière auprès de diverses et importantes espadas.
Un autre fils, Juan Gallardo, fait partie, lui aussi, d'importantes cuadrillas de matadors. En 1859, il part pour La Havane dans la cuadrilla du sévillan José MANZANO "EL NILI" ; mais il y attrape la fièvre jaune et meurt à La Havane fin 1859.
C'est son fils Manuel GALLARDO qui sera le plus important des successeurs d'"EL BRAVO". Il naît, lui encore, au Puerto de Santa María, le 17 septembre 1840. Tout jeune, il commence son apprentissage de tonnelier : vu le nombre de caves dans la région, il ne manquera pas de travail ; aussi ses parents ne souhaitent-ils pas qu'il se consacre aux toros. Mais la fréquentation quotidienne des chevaux, jointe à l'exemple de son père et de ses frères, lui transmet pour toujours le virus de picador. Ayant vaincu l'opposition familiale, il débute aux arènes du Puerto à 16 ans, le 25 ( ! )décembre de 1856, et fait montre d'une telle habileté qu'il peut continuer dans les novillades de la province de Cádiz. Cette première formation acquise, il monte à Madrid où il est engagé comme picador de réserve dès 1861 et les années suivantes ; mais il ne parvient pas spécialement à sortir du lot. Il se partage entre Madrid et Séville, où, par exemple, il pique pour JAQUETA, encore novillero, le 13 septembre 1868. Certains auteurs mentionnent qu'il aurait piqué aux ordres de Manuel DOMÍNGUEZ "DESPERDICIOS", José María PONCE, Antonio CARMONA "GORDITO" et Manuel HERMOSILLA, entre autres. Le 11 août 1872, il subit une grave cogida à Jerez de la Frontera : éjecté de son cheval, il reçoit une cornada de "6 pouces" (une quinzaine de centimètres) à l'aisselle gauche, plus une autre, superficielle, à la tête. Le public, furieux que les toreros à pied ne soient pas venus assez promptement au quite, se met à les bombarder de pierres, de briques et de planches des gradins jusqu'à en inonder la piste. Ajoutée aux précédentes, la blessure ne guérit pas bien; Manuel reste 3 ans au chômage. Le 18 mai 1882, à Valencia, aux ordres de HERMOSILLA, le dernier toro de Saltillo, negro, appelé "PERRUNITO", lui inflige une chute qui se solde par la fracture d'une clavicule et de 3 côtes. Pris par la nécessité, il reprend prématurément, le 9 juin suivant à Cádiz ; pris d’un malaise, il doit se retirer avant la fin du spectacle. Le 17 août, le malheureux Manuel meurt chez lui à Jerez, entouré des siens. Sans parvenir à égaler son père, il aura toujours été considéré comme un picador volontaire, apprécié et sûr.
Il y a un autre Juan Gallardo, surnommé "PUERTO". Il est de la même famille, bien que son degré de parenté avec les précédents ou avec Francisco et ses frères (cf. ci-dessous) ne soit pas connu. Bien dans la ligne de la tradition familiale, il commence à apprendre le métier en piquant dans les alentours de Cadix en 1890. Cinq ans après, il monte à Madrid et travaille seul comme réserve dans diverses cuadrillas, à la demande. Ensuite, il va à Barcelone où il pique aux ordres de divers matadors. Mais il ne parvient pas à sortir de la médiocrité en raison de son caractère et de sa froideur. Ses frictions avec le public comme avec ses compañeros professionnels, dans les arènes comme au dehors, n'arrangent pas son image ! Il en mourra : un méchant coup de poignard, récolté au cours d'une altercation de rue, l'enverra dans la tombe...
On comprend mieux le grand renom des GALLARDO ; et la difficulté de leurs toros qui, comme il est de coutume, ressembleront à leurs éleveurs !


En 1792, Francisco de Paula GALLARDO acquiert avec ses deux fils, Francisco et Rafael, la plus grande partie de la ganadería de Marcelino BERNALDO DE QUIRÓS y GALLÉ, curé de Rota près de Cádix. Il s'agit de bétail frailero sur lequel il a mis, au moins en partie, des étalons navarrais, formant ainsi un encaste pré_gallardo.
N.B._Reste une question. Quel est, au juste, ce bétail navarrais ? On pense évidemment au navarrais bien connu et toujours existant. Mais il est une autre hypothèse. Il semble que Pedro José PICAVEA de LESACA, d'origine navarraise, ait amené discrètement en Andalousie un bétail navarrais particulier, qui donnera naissance au saltillo, et qu'il l'ait introduit dans son élevage sous couvert de vistahermosa en raison du prestige de ce dernier. Puisque le troupeau des GALLARDO puis des PABLO-ROMERO s'enracine dans celui du curé de Rota, cela expliquerait pourquoi la famille PABLO-ROMERO s'est toujours défendue d'avoir croisé son élevage avec du saltillo -même si elle l'a fait, ce serait un rafraîchissement et non un croisement !-. La part vistahermosa du génome des pablorromeros est à plus de 90% saltillo : vient-elle seulement de ce (pseudo)croisement ? ou aussi des navarrais originels ? Seule une étude détaillée de la part gallardo dans le génome des pablorromeros pourrait trancher la question. Il serait fort séduisant que le curé de Rota ait puisé à la même source que LESACA ! On le saura un jour, peut-être...
Francisco de Paula GALLARDO est mal connu, mais c'est un personnage d'une certaine importance puisqu'on le trouve empresa des arènes du Puerto de Santa María en 1787. On sait aussi qu'il est expert en élevage de gros bétail : bravo ? ou manso ? il semble que ce soit plutôt du bravo, bien qu'à l'époque, la différence soit moins grande que de nos jours. Ses deux fils travailleront sous la direction paternelle. Certains mentionnent aussi la présence d'un certain Manuel GALLARDO, mais c'est une confusion ; il fait certainement partie de la grande famille GALLARDO du Puerto, mais il n'est pas l'un des créateurs du célèbre élevage. Toutefois -mais s'agit-il du même !-, on sait qu'il fera courir 6 novillos (des gallardo ???) dans les arènes du Puerto de Santa María le 14 octobre 1883. On manque de documentation précise et vérifiée sur cette famille taurine tentaculaire.
De Rota, qui n'est pas très éloignée, les GALLARDO transfèrent la ganadería chez eux, au Puerto de Santa María (Cádiz). Ils ont la chance de présenter leur nouvel élevage à Madrid la même année, alors que leur prédécesseur, qui s'y était présenté en 1790, avait dû attendre pas moins de 28 ans : signe que ces toros avaient donné toute satisfaction dans la capitale ? Certainement car, amenés par ruse, ils avaient été appréciés (cf. le fer de Marcelino Bernaldo de Quirós"). Détail piquant, les GALLARDO se présentent à Madrid le même jour que les CHARTREUX de Jerez qui sont leur lointaine source fondamentale.
Les GALLARDO créent leur propre fer. Ils garderont leurs toros longtemps : si Francisco de Paula, le père, meurt en 1808, l'élevage ne change pas vraiment de mains puisqu'il est poursuivi par les deux frères sous leur nom... et que c'est toujours un "Francisco GALLARDO" qui tient le devant de la scène [d'où les innombrables confusions que l'on trouve dans les articles, livres et autres traités ! L'image retenue par l'histoire est celle de Francisco GALLARDO, mais il y en a deux et ils interviennent à 3 moments de l'élevage...]. Les GALLARDO amènent leurs toros à une grande renommée grâce à une sélection très soigneuse et très suivie, créant ainsi l'une des castes fondamentales du toro de lidia : le gallardo. Ce grand prestige leur permettra de rivaliser avec le dessus du panier : les cabrera, vázquez et autre vistahermosa, dont c'est aussi la période de création. C'est en effet l'époque où les empresas cherchent à attirer le public en créant des rivalités entre éleveurs ; ainsi, dans le Diario de Madrid du 6 septembre 1800), est annoncée une novillada sans aucune mention du nom des toreros ni des élevages, par contre : "Les 20 novillos de cette course viennent de 4 propriétaires qui ont accepté la competencia [concurrence] : ce sera un spectacle intéressant." Cette concurrence motive aussi les éleveurs, qui cherchent à acquérir une notoriété à travers leurs toros, ou bien à l'accroître.
Après la mort de Francisco de Paula, en 1808, et les éleveurs deviennent donc (Hermanos) Francisco (et Rafael) GALLARDO, désormais seuls [les parenthèses parce qu'à partir de 1814, les toros sont lidiés sous le seul nom de Francisco, pour des raisons non élucidées]. Les deux frères prennent évidemment la suite de l'élevage dans le même esprit.