FICHE ELEVEUR

Juan Pedro DOMECQ y NÚÑEZ de VILLAVICENCIO


naît : 1881-10-15
meurt : 1937-03-19


Voici la source de la "nébuleuse DOMECQ". La lignée domecq, avec ses origines prestigieuses, sa caste et sa grande noblesse, a servi et sert encore de base à la plupart des plus prestigieuses ganaderías actuelles. Mais les enchevêtrements de la période des origines –au moins !- sont tels et si imprécisément renseignés que s’y retrouver relève de l’exploit : il reste beaucoup d’incertitudes. On fera ici "au mieux"…

En janvier 1930, Juan Pedro DOMECQ y NÚÑEZ de VILLAVICENCIO achète à Manuel MARTÍN ALONSO la ganadería des ducs de VERAGUA ainsi que son son fer, acquis par MARTÍN ALONSO 2 ans plus tôt seulement mais considérablement diminué pour des raisons économiques (sur les 1.137 têtes initiales, il reste 250 vaches et les toros). Juan Pedro amène le troupeau à sa finca de "JANDILLA", à Vejer de la Frontera (Cádiz).

La famille DOMECQ
La famille DOMECQ est originaire d'un petit village béarnais proche de Sauveterre-de-Béarn : la commune de Tabaille-Usquain, dont l'étymologie est assez floue. En 1385, on l’écrivait plutôt à l’occitane : Tavalhe et Usquenh. Ces deux villages, distants de quelques centaines de mètres, furent réunis en 1842. Le nom de Tabaille voudrait dire : "ensemble de maisons en torchis " ; et celui d'Usquain : "au-dessus de la prairie". Toujours est-il que, dans ces terres de piémont pyrénéen, Tabaille est de consonnance béarnaise alors que celle d'Usquain est nettement basque. D’après Juan Pedro DOMECQ SOLÍS, petit-fils du premier "Juan Pedro", les DOMECQ seraient toujours propriétaires de neuf hectares sur la commune. Un recensement de GASTON III PHÉBUS, en octobre 1385 à Usquain, parle de "la maison DOMECQ et son gentilhomme". L'étymologie même du nom de DOMECQ, qui semble signifier en béarnais un "fief noble", va dans le même sens. La partie française des DOMECQ semble éteinte aujourd'hui, mais l'Espagne les a fait resplendir, en fortune comme en notoriété. En voici l'histoire en quelques mots.

Un certain Pedro DOMECQ LEMBEYE (1787-1839), natif du Béarn, s'expatrie en Andalousie et fonde en 1822 la société "Pedro DOMECQ compaña" pour commercialiser le vin de Jerez de la Frontera ; il est assez probable que son rang de noble l'ait obligé à fuir la France révolutionnaire. À son décès, en 1839, son frère Juan Pedro DOMECQ LEMBEYE (1796-1869) reprend la gestion de l'entreprise. Il la laisse en 1869, peu avant sa mort, à son fils naturel Juan Pedro de ALADRO (1845-1914), adopté et devenu ainsi Juan Pedro de ALADRO y DOMECQ. Celui-ci forme une société avec Pedro DOMECQ LOUSTAU [en complet : Pedro Jacinto de DOMECQ y LOUSTAU de MONTAUBAN : autre référence française !] (1824-1894), qui est un neveu de son père adoptif (Juan Pedro DOMECQ LEMBEYE), et donc son cousin.
Devenu finalement seul propriétaire, ce Pedro DOMECQ LOUSTAU modernise et développe l’affaire de façon très importante, grâce à sa maîtrise de la production, ainsi que du commerce qu'il internationalise. Il est connu comme créateur [accidentel : en retrouvant dans un cellier, 500 barriques en chêne d'Amérique pleines d'un alcool de haute qualité, oubliées là depuis 5 ans] du célèbre Brandy "Fundador", apparu en 1874… Il est connu aussi comme le premier DOMECQ à avoir épousé une espagnole : une certaine Carmen NÚÑEZ de VILLAVICENCIO y OLAGUER-FELIÚ. Elle lui donne dix enfants -six seulement survivront-, dont le premier ganadero du nom : Juan Pedro DOMECQ y NÚÑEZ de VILLAVICENCIO. Pedro DOMECQ LOUSTAU décède en 1894, mais il connaît une gloire posthume en 1920, quand le roi ALPHONSE XIII ennoblit sa veuve, Carmen NÚÑEZ de VILLAVICENCIO, en la faisant Marquesa de DOMECQ d'USQUAIN, rendant ainsi (volontairement ?) hommage au village qui a vu naître les aïeux de la famille.

Le premier des ganaderos "Juan Pedro"
Juan Pedro DOMECQ y NÚÑEZ de VILLAVICENCIO naît le 15 octobre 1881 à Jerez de la Frontera (Cádiz). Il est baptisé le 15 octobre 1881, et se marie le 11 février 1911 avec María DÍEZ GUTIÉRREZ (1886-1921), toujours à Jerez. Il est le 5e fils de Pedro DOMECQ LOUSTAU et Carmen NÚÑEZ de VILLAVICENCIO, Ière marquise de DOMECQ D’USQUAIN, ainsi que le frère de l'important entrepreneur caviste (bodeguero) Pedro DOMECQ y NÚÑEZ de VILLAVICENCIO. Il meurt encore jeune : le 19 mars 1937 ; son enterrement a lieu le 20.
Non content de participer activement au succès de la cave familiale, Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO, grand aficionado, va initier une importante dynastie de ganaderos, qui fondera peu à peu, aussi bien avec les toros aux mains de la famille -une famille aux multiples ramifications !- que par les ventes de toros à d'autres éleveurs, l'encaste majeur et, de très loin le plus nombreux, du campo bravo espagnol actuel.
De son union avec María DÍEZ GUTIÉRREZ vont naitre 4 prestigieux ganaderos DOMECQ DÍEZ ; soit, du plus vieux au plus jeune : Juan Pedro (1913- 27 août 1975), Pedro dit Perico(1914-2003), Salvador (1916-2005) et Álvaro (1917-2005) DOMECQ y DÍEZ, ce dernier étant aussi rejoneador et homme politique (maire de Jerez de la Frontera de 1952 à 1957, président de la Diputación de Cádiz de 1957 à 1967, et procurador en Cortes c'est-à-dire député. Les voici, encore jeunes gens, tous les 4 autour de leur père.

Pourquoi ce bodeguero (caviste) veut-il devenir ganadero ?
Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO veut probablement devenir ganadero pour plusieurs raisons conjointes. Outre sa grande aficion, il a sans doute une motivation familiale : satisfaire l'aficion de ses enfants, que le décès de leur mère en 1921 a laissés prématurément orphelins. Il se peut qu'il en ait une autre, sociale : depuis le XIXe siècle (cf. Felipe PABLO-ROMERO), devenir ganadero de bravos constitue, pour une bourgeoisie enrichie et en quête de promotion, voire pour une noblesse peu huppée, un moyen d'acquérir un niveau social plus élevé et de pouvoir fréquenter les plus hautes classes de la société, tels les ducs de VERAGUA. Mais il en a aussi une autre, commerciale, qui est fort importante et ne nuit en rien aux deux autres.

Par l'achat des célèbres veragua, "los ducales", son désir semble avant tout de pouvoir disposer du fer : le prestigieux V de VERAGUA surmonté de la couronne ducale. C’est un moyen de promouvoir et d’ennoblir l’image des vins de Jerez qu’il produit. De fait, les "figures" de l’époque ne vont pas tarder à vanter les produits de la maison DOMECQ dans les revues taurines. "Pour la qualité, DOMECQ !", déclare le célèbre Domingo ORTEGA, accompagné de quelques autres. Le slogan : "Pour fêter une bonne corrida, ou pour vite en oublier une mauvaise !" va faire florès. Quel précurseur en matière de communication !...
Vont aussi à l'appui de la prépondérance de l'aspect commercial, les choix ganaderos de Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO : il ne perpétuera pas la souche originelle de ses veraguas, qui ne correspondent plus à l'évolution de la tauromachie telle qu’elle se profile et que, certainement, il la voit… Il s'oriente vers une nouvelle base, qui correspond mieux aux sensibilités des publics et de la société de son époque, ainsi qt'aux nouvelles figuras de l'arène ("JOSELITO"... BELMONTE...) : la caste vistahermosa, dont les toros n’ont certes pas, aux piques, la violence et la puissance spectaculaires des veraguas, mais offrent davantage de durabilité dans la faena de muleta. Une des étapes les plus brillantes de la tauromachie prend fin, détronée… Cependant, la prestigieuse appellation de veragua restera toujours attachée à l’encaste vazqueño créé et promu, de 1835 à 1927, par les ducs de VERAGUA... Ou du moins à ce qu'il en reste !

Toujours à l'appui de la prépondérance de l'aspect commercial chez Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO, l'ancienneté revendiquée pour son fer Veragua. La famille DOMECQ fait remonter l'ancienneté de ce fer au 2 août 1790, date qui est celle de la présentation à Madrid de Vicente José VÁZQUEZ, qui est le véritable créateur de la caste vázquez. Mais pour le même troupeau -sans aucune adjonction de bétail, il est vrai- le dessin du fer vázquez a déjà changé une 1ère fois avec la REAL VACADA (1830) ; il a changé une 2e fois avec OSUNA-VERAGUA (1835) ; il a changé une 3e fois avec le XIIIe duc de VERAGUA (1849). En toute rigueur de droit, la famille DOMECQ ne devrait prétendre comme ancienneté qu'au 29 septembre 1850, date de la présentation à Madrid du XIIIe duc de VERAGUA -ce qui n'est déjà pas si mal-. Mais il est vrai que l'argument commercial du (1er ?...2e ?...) fer le plus ancien de tous en serait affecté... Question sans réponse : le XIIIe duc de VERAGUA aurait-il déjà revendiqué pour lui-même l'ancienneté acquise par Vicente José VÁZQUEZ ? Pas impossible, car à l’époque, le règlement est moins strict que maintenant. Les DOMECQ ne feraient alors qu'en profiter tranquillement... Mais en fait, il semble acquis que les Ducs de VERAGUA ne faisaient pas remonter leur ancienneté aussi haut :
° au 17 octobre 1836, disent certains. Mais à cette date, il ne peut s'agir que du fer Osuna-Veragua, or cette ganadería a déjà été présentée à Madrid le 4 juillet 1836... La date d'octobre ne peut pas être exacte.
° On restera donc ici, pour la véritable ancienneté du fer Veragua, au 29 septembre 1850... voire au 4 juillet 1836, si l'on considèrait -bien abusivement !- que le fer Osuna-Veragua était déjà un fer Veragua

Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO ganadero
Pour obtenir le succès, et un succès durable, Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO compte donc sur la caste vistahermosa, plutôt que sur la caste vazqueña de ses veragua. Pour cela, il a la chance de bénéficier des judicieux conseils du très grand ganadero Ramón MORA-FIGUEROA FERRER, avec lequel il noue une grande amitié… et qui finira par devenir le beau-père de son fils. Ramón MORA-FIGUEROA est sans doute le premier et principal artisan de l’évolution des parladé dans le sens de la tauromachie moderne illustrée par les "JOSELITO" et autre Juan BELMONTE. Il a déjà oeuvré dans l’élevage de sa mère, la marquesa viuda de TAMARÓN, puis dans l'élevage du conde de LA CORTE formé par l’achat de la ganadería... TAMARÓN.

Voir la suite dans la fiche de l'élevage.

La succession
Juan Pedro DOMECQ Y NÚÑEZ DE VILLAVICENCIO meurt le 20 mars 1937. La ganadería passe à ses 4 fils, les DOMECQ DÍEZ : Juan Pedro (1913- 27 août 1975), Pedro (1914-2003), Salvador (1916-2005) et Álvaro (1917-2005). Il semble que le partage se soit fait rapidement en 4 lots, mais que l’ensemble soit resté quelque temps uni en tant que Hermanos DOMECQ DÍEZ, sous la direction de Juan Pedro, le fils aîné ; lequel, à ce titre, hérite seul du fer.
Les partitions ultérieures donneront naissance aux diverses lignées DOMECQ. Ce qui n’empêchera ni la formation d’autres ganaderías issues d’encastes différents dans la même famille DOMECQ, ni la formation de ganaderías d’encaste domecq mais n’appartenant pas à la famille DOMECQ. La nébuleuse DOMECQ est sur sa rampe de lancement…

Notons tout de même déjà le schéma de la succession ganadera à la 3e génération des ganaderos DOMECQ.
° Il y aura d'abord les fils de Juan Pedro DOMECQ Y DÍEZ : les DOMECQ SOLÍS. Ce sont Juan Pedro DOMECQ SOLÍS, qui lidiera ses toros sous son nom ainsi que sous celui de "PARLADÉ (2)" ; Borja DOMECQ SOLÍS, qui dirigera la ganadería "JANDILLA" ; et Fernando DOMECQ SOLÍS, qui aura la ganadería "ZALDUENDO".
° Il y aura ensuite les fils de Salvador DOMECQ Y DÍEZ : entre autres, Salvador DOMECQ SAINZ DE ROZAS qui aura la ganadería "EL TORERO".
° Il y aura encore les fils de Pedro DOMECQ Y DÍEZ, qui avait la ganadería "JANDILLA" : après être passée dans les mains de divers neveux, elle aboutira dans celles de Borja DOMECQ SOLÍS. ° Il y aura enfin la suite d'Álvaro DOMECQ Y DÍEZ fondateur de la ganadería "TORRESTRELLA" : à sa mort, elle revient à son fils Álvaro DOMECQ ROMERO (d'ailleurs rejoneador comme son père). Virus familial, les rejoneadors Luis et Antonio DOMECQ DOMECQ sont des neveux d'Álvaro DOMECQ ROMERO...