FICHE ELEVAGE

Domingo HERNÁNDEZ MARTÍN

Plan : 00.09



Grâce à l'excellent Terres Taurines n°59, d'octobre-novembre 2015, comme source principale, nous avons la chance d'entrer dans l'intimité d'un grand éleveur actuel, Domingo HERNÁNDEZ MARTÍN (accompagné de son fils Justo HERNÁNDEZ ESCOLAR), et de ses 2 prestigieux élevages : l'élevage éponyme et GARCIGRANDE. Quelles que soient nos sensibilités, cela permet de mieux comprendre les complexités et les subtilités de l'élevage du toro bravo, loin des idées toutes faites ou simplistes.

On trouvera aussi les débuts ganaderos de Domingo HERNÁNDEZ avant 1985/1986 dans la Pâture de Domingo HERNÁNDEZ, et des compléments divers dans la présentation de son élevage GARCIGRANDE car il y a beaucoup de similitudes et de ponts entre les 2 fers de la maison.

La ganadería de GARCIGRANDE, pure Juan Pedro DOMECQ SOLÍS, est la préférée de Justo HERNÁNDEZ ; mais celle de Domingo HERNÁNDEZ est aujourd'hui (2014/2015) plus régulière au niveau des résultats, malgré le mélange de 3 sangs [voir ci-dessous] qui la compose.
°° En 1984-1985, Domingo HERNÁNDEZ a l'opportunité d'acheter la ganadería d'Amelia PÉREZ-TABERNERO, alors propriété de Enrique MARTÍN ARRANZ et Pedro SAAVEDRA, l'apoderado d'EL FUNDI. Il était tombé sur eux deux en sortant des arènes de LAS VENTAS, à Madrid... et ils avaient fait affaire. Cette fois, le beau-père, fâché avec Enrique MARTÍN ARRANZ, ne s'en était pas mélé ! Cette ganadería est issue du quart de celle d'Antonio PÉREZ de SAN FERNANDO. Il s'agit d'un encaste original, l'antonio pérez, composé de murube (1885), parladé (1911 et 1916) et tamarón (1919), qui appartiennent tous trois à une même lignée du vistahermosa. Ces vaches, dira Domingo HERNÁNDEZ, ont la caractéristique particulière de beaucoup meugler ; elles ont beaucoup de classe dans leur charge, mais sont inégales : soit mansas perdidas, soit extraordinaires. Ce bétail représente pour lui un véritable saut qualitatif par rapport à celui qu'avait offert son beau-père en 1973 ou peu après.

°° En 1986, Domingo HERNÁNDEZ achète fer et bétail de la ganadería de Domingo ORTEGA, pur gamero cívico. Luis, frère de Domingo ORTEGA, s'est chargé de la transaction. Domingo HERNÁNDEZ a lui-même estimé la valeur des vaches, des eralas, des añojos et du fer ! Mais voici que s'en mêle son beau-père, José ESCOLAR GARCÍA dit PICHORRONCO, figure haute en couleur de la région madrilène : il veut récupérer les erales parce qu'il vend quelque 300 têtes par an dans les pueblos. Prudent, Domingo HERNÁNDEZ lui montre la facture de son achat. "PICHORRONCO" se récrie. Que croyez-vous qu'il arrive ?... "PICHORRONCO" finit par les obtenir au prix qu'il a décidé, lui ! "C'était un phénomène", commente Domingo.

°° Cette même année 1986, Domingo HERNÁNDEZ échange avec Juan Pedro DOMECQ SOLÍS le fer prestigieux de Domingo ORTEGA, qui n'est autre que celui de Parladé, contre un lot de vaches et un semental. "C'est alors que je suis devenu vraiment ganadero. Je n'aurais pas été capable d'atteindre ce niveau.", commente-t-il. Et il détaille : "J'avais toujours cherché le toro qui embiste par le bas, en poussant la muleta vers l'avant. Les bêtes d'Amelia PÉREZ-TABERNERO [d'encaste antonio pérez, acquises en 1985 : voir la fiche de GARCIGRANDE] étaient nobles mais manquaient de fond. Celles d'ORTEGA, pures gamero cívico, étaient plus braves, elles allaient au cheval au galop et c'était leur plus grande qualité. Mais elles n'humiliaient pas beaucoup : elles "embistaient" à mi-hauteur, allaient et venaient sans transmettre d'émotion."

°° En 1992, pour marquer les bêtes du troupeau inscrit à son nom, Domingo HERNÁNDEZ achète à Antonio PELÁEZ LAMAMIÉ de CLAIRAC les droits -mais pas le dessin- d'un fer de la famille CLAIRAC. Ce fer était initialement destiné à couvrir le pur gamero cívico de Leopoldo LAMAMIÉ de CLAIRAC, un bétail que son père, Rafael LAMAMIÉ de CLAIRAC, avait mis sous le nom de son fils, Leopoldo. C'est à partir de ces droits qu'il crée son propre fer.
Domingo appelle cette ganadería de son nom à lui, Domingo HERNÁNDEZ, mais il l'inscrit au nom de son épouse, Concha ESCOLAR GIL, soeur de José ESCOLAR GIL. L'attribution est purement juridique : c'est lui le ganadero, avec leur fils Justo.


Les premiers essais

Domingo HERNÁNDEZ explique : "Au début, en 1986, j'ai mis sur les vaches de Domingo ORTEGA [du pur gamero cívico, directement issu de parladé] le toro BILLETERO I, d'Amelia PÉREZ-TABERNERO, qui donnait très bien. [Il s'agit, chez Amelia, d'un encaste original, celui d'antonio pérez, composé de murube (1885), plus du parladé (1911 et 1916) et enfin du tamarón (1919) : tous les trois appartiennent à une même lignée du vistahermosa. Les vaches y avaient la caractéristique particulière de beaucoup meugler ; elles avaient beaucoup de classe dans leur charge, mais étaient inégales : soit mansas perdidas, soit extraordinaires. Ce bétail représentait déjà pour Domingo HERNÁNDEZ un véritable saut qualitatif par rapport à celui qu'avait offert son beau-père "PICHORRONCO" dans les années 1970.] Mais le troupeau d'ORTEGA était très consanguin, poursuit Domingo HERNÁNDEZ, et le taux de mortalité à la naissance était élevé. Alors l'année suivante, en 1987, j'ai retiré [de l'ensemble des vaches d'ORTEGA, semble-t-il] les sementals de cette origine [ORTEGA, donc], et j'ai mis [sur ces vaches d'ORTEGA, semble-t-il] celui de Juan Pedro DOMECQ SOLÍS [échangé, avec quelques vaches, contre le fer d'ORTEGA en 1986] qui avait à peine 2 ans." Il s'agit d'"ESTORNINO 68", fils de "TAPADITO" ; il va couvrir 30 vaches [des vaches de Domingo ORTEGA ; et peut-être aussi certaines de GARCIGRANDE, pures juanpedro], puis Juan Pedro le récupère. Deux ans plus tard, il est lidié à Valencia, où il est bon. Mais Juan Pedro n'aura jamais très grande confiance envers sa lignée.


L'ascension de la ganadería

En 1990, Domingo HERNÁNDEZ se présente en France à Orthez avec une corrida très forte d'Amelia PÉREZ-TABERNERO... Elle est couronnée par l'ANDA (Association Nationale Des Aficionados), en fin de temporada, par la "râpe d'argent", dit Domingo -si l'on se réfère au palmarès de l'ANDA, il s'agit en réalité de la "lime de bronze", soit le 3e prix et non le 2e !- Mais Domingo explique : "Les toros étaient parfaitement limpios. Ils s'étaient arrondi les pointes en gratant le sol. À l'époque, il n'y avait pas les fundas."
Domingo poursuit en parlant de celui qui le soutient : "MATILLA".
[Il s'agit de Teodoro GARCÍA GONZÁLEZ, dit "MATILLA" d'après le nom de son village d'origine dans la région de Salamanca ; c'est un homme important du mundillo. Dix ans plus tard, il sera avec ses trois fils à la tête de la Casa MATILLA, gérée en pratique par son fils Antonio GARCÍA JIMÉNEZ, dit "Toño MATILLA". Ladite Casa MATILLA possèdera alors 4 fers. Trois sont de la UCTL : Hermanos GARCÍA JIMÉNEZ (le fer vedette de la maison) ; Olga JIMÉNEZ FERNÁNDEZ (l'épouse de Teodoro) ; et "PEÑA DE FRANCIA", admis à la UCTL en 2006. Un à l'AGL : Pilar Olga GARCÍA JIMÉNEZ. Le tout étant du juanpedro.]
"MATILLA" lui achète presque toutes ses camadas, à destination de ses toreros et de ses arènes (on voit comment marchent les affaires taurines...). Ce qui fait qu'il présente les toros de Domingo, entre autres, à Arles et à Valencia. "Il ne payait pas très cher, commente Domingo, mais il m'a ouvert les bonnes portes. À Valencia, "JOSELITO", PONCE et "LITRI" tuèrent ma première corrida."
Déjà, Domingo puise assez librement dans ses 2 élevages. "FRITURERO" est le premier GARCIGRANDE lidié à Valencia ce 3 juillet 1992, et "JOSELITO" lui coupe l'oreille. Quant à PONCE, il en coupe une, lui aussi : celle d'"ARTISTA". "J'ai compris que j'avais trouvé la bonne voie, explique Domingo, le jour d'une corrida que me tuèrent "JESULÍN", "LITRI" et "CORDOBÉS" à Fregenal de la Sierra [le dimanche 10 avril 1994]. Les 6 toros embistèrent avec beaucoup de classe. Et ils venaient des 2 fers..." Le journal ABC qualifie ces toros de "faibles, mous et sans transmission"... mais les toreros ont coupé pas moins de 8 oreilles ! Où se trouve le juste équilibre ? Où se trouve le juste jugement ? On sait combien la critique est un art difficile, et combien les critiques -de tous les temps et en toutes matières !-, ou les aficionados, peuvent être parfois excessifs ou partiaux... Mais, à l'inverse, ce sont eux qui ont souvent raison !!!...
"J'ai gravi une autre marche, commente encore Domingo, quand "JESULÍN" gracia le toro "FAVORITO" à Tolède le 2 juin 1994. Il était fils d'une vache d'Amelia PÉREZ-TABERNERO et d'un toro de Juan Pedro DOMECQ SOLÍS. En 10 ans, j'avais fait un bond qualitatif considérable. En plus brave. Et c'est ce mélange qui existe toujours sous le fer de Domingo" Un mélange qui n'est pas le seul puisqu'il y en a un autre entre vaches gamero cívico de Domingo ORTEGA et sementals de Juan Pedro ; là aussi, le sang devient peu à peu juanpedro par absorption -voir l'encaste de Domingo.

°° Cherchant toujours à améliorer la bravoure des vaches d'Amelia et de Domingo, Justo, le fils de Domingo HERNÁNDEZ, achète un toro de Juan Pedro un peu basto : "FLOJÓN", fils d'un toro fameux : "GAMBERRO" [Il s'agit très certainement d'un semental ayant donné de grands résultats]. Justo raconte : " "GAMBERRO" était un toro de Juan Pedro, de grande taille et assez laid, fils de "DECIDOR" [l'un des 3 sementals majeurs de Juan Pedro : voir GARCIGRANDE], et frère d'"ALDEANO" d'ALGARRA, qui fit la ganadería de VICTORIANO DEL RÍO." On notera toutefois que cet "ALDEANO" possédait 25% de sang atanasio par sa grand-mère maternelle et "GAMBERRO" pas du tout. Pourquoi le choix de mettre le fils de "GAMBERRO" chez Domingo HERNÁNDEZ plutôt que chez GARCIGRANDE ? "Je l'avais mis sur ces vaches grandettes, elles aussi, d'Amelia et de Domingo [ORTEGA] pour ne pas enlaidir le type de celles de Juan Pedro dans GARCIGRANDE, qui étaient plus fines." Justo poursuit : " "FLOJÓN" encasta immédiatement la part de Domingo [ORTEGA] et d'Amelia. Il donna à ses fils une bravoure profonde et un rythme lent. Mais ils étaient aussi laids que lui, grands et bastos, et il y avait souvent des problèmes avec les cuadrillas au moment du sorteo. Malgré tout, "FLOJÓN" apporta beaucoup.
Mais au bout de 4 ou 5 ans, "FLOJÓN" mourut." La prophétie du mayoral de Juan Pedro sur la durée, limitée à 6 ou 7 ans, de ce que Domingo HERNÁNDEZ pourrait faire avec son achat allait-elle se réaliser ?... Justo ne l'entend pas de cette oreille et son père suit le conseil : "J'ai proposé à mon père d'acheter à Juan Pedro un autre fils de "GAMBERRO", un de "TAPADITO" (voir plus haut), et un d'"ARTILLERO" (voir GARCIGRANDE). Juan Pedro répondit : '"GAMBERRO" est en train de m'enlaidir la ganadería [on voit bien pourquoi...] : je vous le vends'. "GAMBERRO" lui-même au lieu d'un de ses fils ! Et il me vendit aussi un frère, de père et de mère, d'"ESTORNINO 68" (voir plus haut)."
Les résultats ne se font pas attendre : "De "GAMBERRO", j'obtins le toro "FORTUNITO" qui m'a donné d'innombrables succès, avec des toros assez laids mais excellents. J'obtins aussi de "GAMBERRO" un autre "FLOJÓN", frère de père et de mère du premier. A la mort de "GAMBERRO", j'avais 4 de ses fils comme sementals, sur nos 2 fers mais surtout sur GARCIGRANDE. Le toro issu de "GAMBERRO" est un toro très professionnel, consciencieux et brave ; il ne possède pas la classe de "FERMENTADO 40", dont nous reparlerons, mais c'est un toro de grandes faenas, peu décevant sans être celui dont rêvent le torero."

°° De plus, Juan Pedro DOMECQ SOLÍS loue pendant 2 mois à Domingo HERNÁNDEZ son toro vedette de l'époque : "HUMORISTA 83" : le temps de couvrir un lot de vaches (de quel élevage ?... des deux ?...). Domingo HERNÁNDEZ en obtiendra 2 fils comme sementals.
Il y a divergence des informations au sujet d'"HUMORISTA 83" : est-il le fils du semental "ILUSIÓN 40" ? ou bien son père ? L'information la plus sûre semble être celle-ci : Salvador DOMECQ DÍEZ (ou Salvador DOMECQ SÁINZ de ROZAS ???) a offert à l’'épouse de Juan Pedro DOMECQ SOLÍS, tombée amoureuse de son pelage jabonero (ou peut-être colorado melocotón), la vache "ILUSION 200" ; cette vache, couverte par "HUMORISTA 83", donne naissance au grand semental "ILUSIÓN 40".
"Le toro descendant d' "HUMORISTA 83", précise Justo, est un toro qui vient au galop, mais quand tu lui mets la pression, dans les grandes arènes, il n'assume pas. C'est un toro plus facile que bon, mais le torero ne se régale pas avec. Pour les pueblos, sans trop de poids, ça va encore. Mais pour Sevilla ou Madrid, il est pénible, il reste court."

°° Et enfin "GENIUDO 1". Ce toro, loué pendant 1 an, est fils d' "ARTILLERO 30" ; il n'a qu'une corne. Mais ce n'est pas une bonne affaire. Juan Pedro l'avait loué auparavant à Enrique MARTÍN ARRANZ et, par amitié, celui-ci conseille aux HERNÁNDEZ de vite l'enlever des vaches parce que, chez lui, il n'a rien donné de bon, au point qu'il a dû tout tuer. Malheureusement les HERNÁNDEZ l'avaient déjà mis sur 80 vaches [de GARCIGRANDE, mais peut-être aussi de Domingo HERNÁNDEZ] pour en tirer parti "au cas où..." Enrique MARTÍN ARRANZ ne se trompait pas ! Toutes les premières eralas tientées s'avèrent mansas perdidas : elles n'embistent pas. "PITERO " (voir plus haut) avait été manso, certes, mais après avoir magnifiquement embisté, lui ! Celles-là ? Rien ! Il fallait se débarrasser des mâles.
De quelles années s'agit-il ? Peut-être les années 1986-1988, mais plus probablement fin des années 1.990/début des années 2.000. D'autre part, au fil des années, on ne doit certainement pas exclure d'autres prêts et surtout d'autres achats de sementals chez Juan Pedro... N'oublions pas qu'échangé, loués ou achetés, les étalons de Juan Pedro, qui oeuvrent dans GARCIGRANDE, oeuvrent aussi souvent dans Domingo HERNÁNDEZ. N'est-il pas reconnu que les vaches d'Amelia et celles d'ORTEGA sont couvertes par des étalons "juanpedro" de GARCIGRANDE ? Les précisions restent assez rares. Malgré sa grande franchise, Domingo ne précise pas tout ! Alors les autres...


Divine surprise...

Quand Justo HERNÁNDEZ va voir les mâles nés de "GENIUDO 1", il leur trouve à tous un trapío digne de les faire sortir plus tard en corrida... Dommage de les envoyer à la boucherie. Les HERNÁNDEZ décident alors de les garder comme utreros afin de les courir en novillada piquée. Aussi, l'année suivante, ils font un essai en mettant un fils de "GENIUDO 1" dans un lot qui va à Benidorm, pour "EL CID" et le petit fils du matador vénézuélien César GIRÓN : ce toro manque de peu un indulto mérité ! De retour, les ganaderos décident de garder comme toros pour l'année suivante les novillos qui ont le plus de tête... et voilà que ces toros vont s'avérer les meilleurs de toute la camada ! De la classe dans la charge. Une charge qui "s'ouvre" et permet le toreo en rond... Dire que l'on n'avait tienté aucun des fils de "GENIUDO 1" à cause de ses antécédents ! Mais c'est là que la chance va survenir une seconde fois.
Il ne reste que 5 de ces fils de "GENIUDO 1". Le 9 juin 2001 (?), Manolo SÁNCHEZ, "JOSÉ TOMÁS" et "MORANTE DE LA PUEBLA" sont annoncés à Ávila avec des toros de GARCIGRANDE (le 9 juin 2001 ?). Un de ces fameux fils de "GENIUDO 1" est prévu dans le lot : "BRAVÍO 21". La veille (?), à Barcelone, "JOSÉ TOMÁS" a touché un toro présentant un défaut de vue : bronca à la cuadrilla pour ne pas l'avoir décelé le matin au sorteo. Autant dire qu'elle arrive à Ávila avec une pression terrible. Cosas de toros : ce "BRAVÍO 21" ne voit pas ! Évidemment. "Il ne voit pas mon mouchoir, dit Luciano NÚÑEZ." "Moi non plus, je ne le voyais pas : il le sortait à peine ! commente Justo. Je lui dis : 'Luciano, je suis très en colère contre toi, mais je vais peut-être t'en être reconnaissant toute ma vie'." Quel talent de diplomate ! Son père, Domingo, avait vu juste...
"BRAVÍO 21" revient donc au campo. Tienté par Eugenio de MORA il s'avère extraordinaire et on le met sur les vaches. Un de ses fils sera grâcié à Olivenza. Un autre, extraordinaire, permettra à TALAVANTE une de ses plus grandes faenas, à Vistalegre (Madrid). Bref, de ce "BRAVÍO 21" va sortir une famille importante chez GARCIGRANDE (et aussi Domingo HERNÁNDEZ ?). Témoin cette jolie histoire, qui en dit long sur la science taurine du "JULI". Un autre fils de "BRAVÍO 21" : "PEGADOR", tape dans l'oeil du "JULI" en raison de son cou immense : "Si on trouve un festival où le mettre, je vais te le grâcier." Ce toro va à ALBA pour le festival au bénéfice des présidents de corrida. Il est bravissime. "JULI" lui donne dix mille passes et le grâcie ! Peu après, le père du "JULI" vient voir Justo pour demander s'il ne pouvait pas lui laisser un semental... et il emporte ce "PEGADOR".
(En 2014/2015) nous en sommes à 7 ou 8 toros graciés. Jusqu'à il y a 5 ou 6 ans, GARCIGRANDE aidait à vendre Domingo, mais maintenant je crois que c'est l'inverse. Pas mal, non ?"


Sementals à TRAGUNTÍA, dans la ganadería Domingo HERNÁNDEZ

Tous les animaux marqués du fer de Domingo HERNÁNDEZ sont entièrement sous la responsabilité de Jesús BERNAL et de son fils Jesusito : "Si on travaillait mal, Justo s'en apercevrait tout de suite, note Jesusito, mais comme nous faisons attention à tout, il nous fait confiance." Même son de cloche chez Jesús : "Justo nous laisse libres de nous organiser à notre goût ["Jesús n'en fait qu'à sa tête", dit Justo...], bien plus qu'à ceux de GARCIGRANDE. Les lots de reproduction, c'est moi qui les fais et il ne s'en mêle pas. Il recopie mes notes. Comme nous connaissons le type d'embestida que transmet chaque toro, je lui dis tout le temps de ne pas consulter ses notes avant la tienta des becerras pour ne pas avoir d'a priori. Je lui dis d'observer d'abord puis de vérifier les notes. Mais il ne m'écoute pas. Il veut toujours savoir le nom du père d'abord." Jesusito précise : "Justo est excellent pour la sélection. Il a un coup d'peil infaillible. il voit la becerra embister 2 fois et dit : 'Ay ! Comme elle va être!' ou : 'Elle ne vaut rien'. Et il ne se trompe jamais. La meilleure preuve, c'est "FERMENTADO 40" qui partit en ruant du cheval et qui, au final, nous fait la moitié de la ganadería, ou plus, dans les 2 fers. Il était assez grand, avec les cornes refermées. Pour un pur juanpedro, il était plutôt laid."
Justo confirme la responsabilité des 2 Jesús : ". Ils préparent les lots de reproduction et les supervisent chaque jour. Disposant de moins de cercados [enclos] que nécessaire, ils travaillent à l'ancienne pour la reproduction : ils alternent les étalons sur un même lot de vaches, en laissant une dizaine de jours entre eux pour éliminer les doutes au moment d'établir la filiation des veaux. C'est pourquoi ils ne peuvent constituer que 4 lots de vaches, suceptibles d'atteindre alors les 100 et même les 120 têtes, sur lesquelles ils peuvent mettre successivement jusqu'à 3 étalons, des 2 fers.
Jesús donne quelques informations complémentaires : "Je change les sementals qui sont sur les vaches au bout de 2 mois. Chacun d'eux en couvre environ 40. Quand je les y mets, je leur injecte une vitamine pour qu'ils soient plus efficaces. Je le fais depuis qu'un excellent toro est mort d'épuisement. Depuis, j'en donne à tous pour qu'ils ne flanchent pas... J'aurais dû en donner à "FERMENTADO 40". Il ne couvrait pas très bien. Si on lui laissait 40 vaches, il n'en montait que 15. Il ne resta ici que 2 ans, avant d'aller à GARCIGRANDE. J'étais à Esquivias le jour où il a été grâcié. Ici, il a donné de bons résultats, mais moins à GARCIGRANDE. J'étais moins convaincu par lui que Justo."
"Ici, celui qui a le mieux donné fut "VALEROSO", grâcié à Monóvar par Antonio FERRERA : 99%% de ses fils ou filles furent braves. Pour moi, c'est le meilleur que l'on ait eu, le plus complet. Il fut extraordinaire en piste. Il y a quelques années, nous avons envoyé 5 de ses fils à Palma pour le "JULI" et compagnie. Huit jours plus tard, le "JULI" me toréait une autre corrida à Albacete et, la veille, il me demanda combien il y avait de toros du même père que ceux de Palma. Aucun ! Ce toro n'avait qu'un défaut : il était de petit gabarit. Ses fils ne pouvaient pas être des géants ! On ne pouvait les lidier que dans des arènes de moindre importance. C'est ce que j'ai dit au "JULI" : 'Si tu veux tuer ses fils, il faut aller dans les pueblos'. Des toros plus grands qu'il a donnés, avec des vaches de bon gabarit, allèrent 1 à Barcelone, 3 ou 4 à Arles et 1 à Valencia."
" "BONDADOSO 5", grâcié à Cordoue par "FINITO" et fils de "FERMENTADO 40", a très bien donné aussi. Beaucoup de qualité. Actuellement [2.015], c'est celui qui donne le mieux. C'est le père du toro de la Porte du Prince du "JULI" à Seville [31 mars 2.013], toro qui a quitté [enlevé, sorti] le "NIÑO DE LEGANÉS" du toreo [trébuchant devant lui, le subalterne subit trois cornadas de 10, 20 et 30 cm dans la partie postérieure de la cuisse droite]. Tous les fils de "BONDADOSO 5" sont bons : par le bas et à fond. Il y en a trois comme sementals. Le plus curieux, c'est que, si tu regardes la faena sur Youtube, tu te dis qu'il n'était pas si brave que ça... Pourtant il transmet beaucoup de bravoure. En fait, les toros de qualité transmettent de la bravoure et les braves de la qualité. C'est très compliqué. [Une fois encore, avec Domingo HERNÁNDEZ, on sort des sentiers battus !] "
"Notre avantage, c'est que, si un semental déçoit, sur 1.000 vaches que nous avons entre les 2 fers, l'rreur ne porte que sur 15 becerros [d'où on peut déduire que les nouveaux sementals sont essayés prudemment : sur une 15aine de vaches seulement]. Mais dans une ganadería de 100 vaches, un semental qui donne mal, c'est une catastrophe."
Dans l'enclos des sementals se trouve un toro borgne, sans fer. "Petit, il était d'une maigreur extrême et nous ne l'avons pas marqué. Nous pensions qu'il allait mourir, mais nous l'avons sauvé. Il n'avait même pas 2 ans, "JULI" était ici : il a poursuivi la voiture. A la fin, "JULI" est descendu et l'a toréé en plein champ. Une machine à embister ! Quand "JULI" est remonté dans la voiture, il nous a poursuivis à nouveau. Alors il a recommencé à le toréer. Nous ne l'avons jamais mis sur les vaches, mais un jour ou l'autre, il y aura droit !"
Dans un cercado, 16 sementals attendent lur tour... Parmi eux, "REZOSO 95" sort du lot : un trapío de brute paléolithique. Il est fils de "BRAVÍO 21", petit-fils de "GENIUDO 1", et arrière-petit-fils d"ARTILLERO 30". De pelage colorado oscuro, il est marqué du fer de Garcigrande : pur Juan Pedro DOMECQ SOLÍS, donc. "BONDADOSO 5" n'a rien à lui envier question volume, mais il est plus laid. "REZOSO 95", "c'est le joyau de la couronne ! Il a 16 ans.
On aperçoit aussi le plus modeste "FANTASMA" -fer de Domingo HERNÁNDEZ-, castaño claro, nº 87, 460 kg, né en janvier 2011, grâcié par le "JULI" au cours de son encerrona du 31 mai 2015 à Cáceres. On en voit encore un autre castaño, inlassable dans la muleta et grâcié par Juan DEL ÁLAMO à Alba de Tormes, le 20 octobre 2.013. Et "HOSPICIANO 53", lui aussi castaño et d'armures discrètes, celui qui avait été élevé au biberon et qu'ESPARTACO grâcia en festival à Badajoz le 12 avril 2.014.

Jesús et son fils Jesusito envoient les becerras au tentadero couvert de GARCIGRANDE ("Que c'était bien de tienter ici, à ciel ouvert !...") d'où seules les élues reviennent. A 3 ans, les mâles quittent TRAGUNTÍA pour venir, eux aussi, à GARCIGRANDE, d'où ils partiront pour les arènes 1 an plus tard. Et si l'un d'eux est grâcié, c'est à TRAGUNTÍA qu'il revient comme semental : les sementals de Domingo ne couvrent jamais les vaches de GARCIGRANDE, c'est seulement de GARCIGRANDE vers Domingo HERNÁNDEZ que des étalons peuvent passer. Justo HERNÁNDEZ a une telle confiance en ce duo de mayorals qu' "Il ne vient presque jamais ici, souligne le fils. Mon père a prévenu Domingo : 'Un jour ou l'autre, nous allons vendre la finca TRAGUNTÍA et quand tu t'en apercevras nous serons depuis longtemps au Brésil sous un palmier'... Cela le fait rire !"
On notera que l'achat de la finca TRAGUNTÍA à Santiago MARTÍN "EL VITI" date de 1994 environ ; elle compte alors dans les 600 hectares. Il n'est pas impossible que Domingo HERNÁNDEZ en ait eu l'usage plus tôt pour l'élevage éponyme... Quant à l'acquisition de la finca JUARRO, sa date et son lieu précis ne sont pas connus ici.
Jesús BERNAL fait corps avec TRAGUNTÍA et il compte bien y rester quoi qu'il puisse arriver : "Je suis entré ici du temps du VITI [le grand matador Santiago MARTÍN "EL VITI", de Vitigudino,; non loin de TRAGUNTÍA], 17 ans avec lui, et j'ai voyagé souvent avec ses toros. Puis, il y a 20 ans [vers 1994, donc], quand Santiago la vendit à Domingo, j'y suis resté. Au temps de Santiago, il y avait plus de 1.000 hectares, mais il en vendit plusieurs bouts. Domingo en a acheté environ 600." Au bout de 37 ans sur la finca, Jesús put dire : "J'en connais chaque pierre. Aujourd'hui, il n'y a plus que le brave, ici, mais Santiago y élevait de tout : cochons, mansas, brebis... et 300 vaches braves quand je suis arrivé. Aujourd'hui, il y en a 400 sur un peu moins d'espace."
Jesusito n'est pas moins passionné que son père : "Si nous avions plus de place, nous en laisserions davantage parce qu'elles suivent de mieux en mieux le chiffon rouge [toujours la prééminence majeure du 3e tiers] comme des folles. Il y en a d'incroyables. On veut toujours que les toros d'ici soient plus braves que ceux de GARCIGRANDE. Il y a beaucoup de rivalité. Il faut l'entretenir, sinon ça ne marche pas. Il y a des différences entre les 2 fers, les toros sont bâtis différemment, mais le comportement est presque identique. Peut-être ceux d'ici sont-ils un peu plus nobles. Il y a davantage de différence dans le physique. Ici, le toro est plus lourd." Signe des temps : Jesusito vit à VITIGUDINO, lui, car les jeunes femmes d'aujourd'hui ne veulent pas entendre parler du campo et de la vie dans les fincas...


Le toro de Domingo HERNÁNDEZ... et EL JULI

Le mayoral de TRAGUNTÍA, Jesús BERNAL et son fils Jesusito, ont leur propre vision du toro de Domingo HERNÁNDEZ. Jesús : "Entre le début, avec les vaches d'Amelia et Domingo, et ce que nous avons maintenant, il n'y a pas photo. Celles d'ORTEGA embistaient tête haute ; celles d'Amelia avec plus de qualité, mais sans beaucoup d'émotion [un jugement partagé avec Domingo HERNÁNDEZ]. Juan Pedro [DOMECQ SOLÍS] a beaucoup apporté. Je crois que [2015] les toros d'ici ont plus de régularité que ceux de GARCIGRANDE. Et à GARCIGRANDE, le mauvais est pire que celui d'ici, plus retors. Tandis que, parmi les très bons, celui d'ici l'est plus que l'autre. Tous les toros vraiment mauvais que j'ai vus, ceux qui veulent t'assassiner, étaient de GARCIGRANDE. Le mauvais de Domingo est manso, il se dégonfle, mais il ne veut tuer personne."
La régularité est esentielle : "En ce moment, nous avons davantage de toros mais aussi une plus grande proportion de ceux qui embistent. Notre force est notre régularité. Quand tu sors 70% de bons toros, les toreros supportent les mauvais dans l'attente des autres. Les toreros se fient aux statistiques."
Jesús donne même quelques clés pour toréer les toros de la maison : "Certains toros ne se centrent pas avant la mi-faena. Je suis tenté de leur dire : 'Oh ! Arrête une bonne fois'. Mais si le torero n'a pas baissé les bras, il arrive un moment où ils se décident. Ils sont compliqués, mais si tu sais où mettre les pieds, le toro ne t'attrapera pas. Maintenant... j'en ai vu quelques-uns qui semblaient dire : 'Mets-toi où tu veux, je vais te tuer'. Je me souviens d'un qu'avait touché PONCE à Alicante : il ne savait pas comment l'aborder. Il semblait lui dire : 'Je t'assassine, hé !' Et nous parlons de PONCE !!! Je me souviens aussi d'un autre, tellement dazngereux que j'avais hâte que ça se termine. On aurait dit qu'il avait un sixième sens... Cela arrive quand tu cherches la bravoure et qu'elle sort de mauvaise humeur. [sic !] Ils te coupent le souffle. Un manso, c'est désagréable, mais ce n'est pas très grave. Ceux-là... Attention !" Jesús tient à souligner que le toro de la maison ne mérite pas la réputation qui lui est faite de toro pour vedettes parce que facile : "Ceux qui disent que le toro d'ici est facile, j'aimerais les y voir devant. Ceux qui les toréent les font paraître faciles mais ils ne le sont pas. Ils te demandent souvent les papiers et il faut être prêt. En revanche, ils sont reconnaissants. Ils s'emploient si tu ne les doutes pas et si tu les conduits. Alors, ils vont où tu veux. Mais si tu ne sais pas..." Et Jesús de donner un exemple de ce qu'il vient de dire : "Il y a 3 ans [2011/2012, donc], nous avons lidié une novillada à Madrid pour la finale des novilleros. Les gamins n'en tirèrent rien. Ils eurent plus de genio que de bravoure. Mais si tu savais comment t'y prendre, il y avait des solutions... que les toreros ne trouvèrent pas. Quand tu vois le "JULI" avec les mêmes d'un an plus vieux... Il leur baisse la main 3 fois et il n'y a plus besoin de les piquer. Ils se châtient tout seuls en raison de leur bravoure." Et de donner un exemple du "JULI" aux arènes de Campo pequeño, à Lisbonne, le 18 juin 2015. Il avait 2 toros de Domingo HERNÁNDEZ et 1 de GARCIGRANDE. Tous âgés de 4 ans révolus et plutôt bien ronds. Au Portugal, pas de piques. "Eh bien, "JULI" les a soumis. Il en a fait ce qu'il a voulu. Il nous tue presque toutes les corridas. Il lui faut un toro encasté, qui bouge, qui pousse, qui ne s'arrête pas. Il le trouve ici. Pourquoi aller le chercher ailleurs ? Et s'il lui en sort un difficile, ce n'est pas un problème : il a suffisazmment de moyens pour s'imposer. Il en fut toujours ainsi. J'ai été pendant 17 ans auprès du "VITI" qui fut figura : il tuait ce qu'il pensait lui convenir le mieux. Il préférait l'encaste atanasio et le choisissait partout où il pouvait. CAMINO préférait le santacoloma, et ORDÓÑEZ le núñez. Chacun toréait à sa manière et cherchait le toro qui lui allait le mieux. Quand il débutait, "JOSÉ TOMÁS" nous tua une corrida à Arles et un toro l'attrapa 3 fois. J'ai cru qu'il n'arriverait jamais à rien... et on connaît la suite !!! Mais regarde : les gens lui donnent plus d'importance qu'au "JULI" qui se met pourtant dans le même sitio, mais avec plus d'assurance que lui. On reconnaît le mérite du premier, mais pas toujours celui du second." On a bien compris qu'il en va de même avec les ganaderos...
Jesusito complète : "Plus tu exiges d'eux, mieux ils se comportent. C'est pour ça que "JULI" les comprend si bien. Il les connaît par coeur. Et quand d'autres toreros titubent face à eux, lui les fait galoper dans sa muleta. Il les oblige 2 fois et ils n'arrêtent plus. Mais si tu ne sais pas, ce sont eux qui commandent, et alors là... Au cheval, si tu regardes bien, ils attaquent souvent aux pattes, et aux banderilles ils sèment la panique. Quand ils les prennent, les banderilleros changent de couleur... Si tu ne prends pas l'initiative, ils te bouffent. Ils te coupent la course, ils prennent les devants. On dirait qu'ils devinent où tu veux aller. Mais quand tu leur mets le chiffon rouge sous le nez, ils deviennent obéissants." Jesús surenchérit : "Peut-être ce toro n'est pas au goût de tous les clients, mais qui est le client ? Le public ou le torero ?" Jesusito évoque encore la figure de "JULI" enfant (tous 2 ont le même âge) : "La première fois qu'il est venu ici avec Gregorio SÁNCHEZ, c'était un bébé. Mais quelle intelligence ! Il était meilleur que tous les autres. Il possède une intellignce privilégiée et en plus il connaît la ganadería ausi bien que Justo !"

Et là, Jesús fait part des affres de l'éleveur... Il parle d'une image d'excellence difficile à maintenir auprès des toreros et des aficionados, de l'évolution du toreo, du toro, de la pique, et même de certains problèmes sanitaires : "L'idéal est de mettre tout le monde d'accord car sinon on te coupe la tête. On me dit souvent que nous sommes favorisés. je réponds qu'au contraire nous avons la pire des places. Le public nous attend d'une manière, le torero d'une autre, et nous on reste au milieu. Avec une ganadería lambda, il n'y a pas de problème. Nous, quand les toros sortent bons, c'est normal. Mais s'ils sont mauvais ou se dégonflent, on nous tape dessus. Aux arènes, je ne me régale qu'avec les corridas des autres. Avec les nôtres, j'ai des nausées 3 jours avant et je dois me coucher. On nous cherche toujours des noises. A l'heure actuelle, nous sommes la ganadería dont on exige le plus. "
"Le problème est que le public est habitué à un toro qui embiste très fort et qu'on nous exige chaque jour davantage. Autrefois, les toreros avaient le temps de récupérer entre les passes, qu'on leur donnait 2 par 2. Puis vint OJEDA et il a fallu tout changer. L'"unipasse", comme on disait. Le toro a dû s'adapter à des séries plus longues et exigeantes. Le muletazo prend son importance, aujourd'hui, une fois passée la hanche du torero : là où, autrefois, il se terminait. Et tout par en-bas. Si le toro ne possède pas les qualités requises, on te le fout par terre. Avant, les toros sortaient des passes à leur guise et on ne pouvait les toréer qu'à mi-hauteur. Par le bas, il n'y en avait pas beaucoup qui résistaient. On ne les piquait donc pas beaucoup. Quelques-uns des grands toreros d'autrefois, s'ils revenaient, devraient se recycler pour ne pas se faire dévorer par le toro d'aujourd'hui ! Plus persone ne songerait à citer avec la muleta en arrière. Si tu t'y risquais avec nos toros, tu ne leur donnerais pas une passe. Mais autrefois, c'était la norme. On peut le voir sur les images. Le toreo a changé du tout au tout. On ne peut comparer le passé ave le présent. On dit que JOSELITO entendit un seul avis durant toute sa carrière... mais combien de passes donnait-il ? Une poignée à peine. Cela n'a plus rien à voir. Autrefois, les toros prenaient 12 piques ou plus. Mais les chevaux étaient morts de faim, n'avaient pas de peto [caparaçon], et se laissaient tomber dès que la corne les perçait. C'étaient des picotazos, on ne peut pas comparer. Le toro d'aujourd'hui pourait prendre les mêmes sans problème, mais celui d'autrefois n'a jamais embisté autant que lui."
"Le problème est qu'aujourd'hui, s'ils le veulent, ils te saignent le toro avant sa sortie du peto. Pour peu qu'il y reste, il se fait masdsacrer. Et s'il pousse un peu trop, c'est pire encore. Les toreros d'aujourd'hui veulent toréer et le public vient pour les voir le faire. Tu ne peux pas laisser le toro se gaspiller au cheval, c'est aussi simple que cela. [La maison GUARDIOLA n'a-t-elle pas été contrainte d'adoucir l'immense et spectaculaire bravoure de ses toros des années 1985-1995 pour qu'il leur reste des forces et que les toreros puissent s'exprimer muleta en main ?...] Regarde les corridas dures : quand on les pique trop, il ne se passe plus rien ensuite. Ici, 2 plus 2 font rarement 4. Le plus difficile à obtenir est l'équilibre auquel nous sommes parvenus ici : un toro avec autant de race et de mobilité qui, sans être facile, permet le triomphe. Ici, il n'y a pas de toros stupides. Si tu le laisses marauder à sa guise, c'est un toro qui te bouffe. Pour la taille, c'est pareil : tu peux en avoir de plus ou moins grands, mais s'ils ne sont pas bien nourris, parfaitement traités, ils se dégonfleront." N'est-ce pas, justement, pour leur bravoure encastée et leur mobilité que JULI les aime tant ?...
"Nous avions eu ici un problème de foie et ils s'arrêtaient tous, les enfoirés. Ils couraient bien et tout, mais une fois en piste ils s'endormaient. Nous avons traité tout le troupeau à partir de ceux de 2 ans, et nous avons réglé le problème. Un jour à Barcelone, un peu plus tard, nous avons envoyé 3 de GARCIGRANDE et 3 d'ici. Ceux de GARCIGRANDE eurent beaucoup de qualité mais s'arrêtèrent. Ils s'essoufflaient, ne parvenaient pas à aller de l'avant. Ceux d'ici sortirent avec des forces à revendre. Tous mangeaient le même pienso, tous se préparaient de la même manière mais, à l'abattoir, les foies n'étaient pas les mêmes. Ceux de GARCIGRANDE étaient en mauvais état. Un peu plus tard à Tolède, pareil. Justo vint avec moi à l'abattoir. En fait, il y avait un virus à GARCIGRANDE et pas ici à TRAGUNTÍA. Les toros de là-bas ne tenaient pas la distance. Ils les traitèrent tous comme on avait fait ici." Depuis, la ganadería n'a plus connu ce genre de problème."
Voici encore un exemple du bon toro de Domingo HERNÁNDEZ et de ce que "JULI" est capable d'en faire. Il s'agit d'un toro grâcié par lui le 22 avril 2.011 à Arles : ce "PASIÓN" est castaño claro, il porte le N°73 et le guarismo 2, il est gachito et légèrement corniapretado de tête, plutôt modeste de poids et de trapío. En piste, l'aigu des cornes était plus manifeste que sur la photo précédente où, comme tout semental, il est assez largement dépointé ; on peut aussi remarquer son allant. Ici, on le voit humilier en poussant avec force : exactement ce que recherchent les ganaderos. Et là, tête collée à la muleta, il la suit en rond avec tant d'ardeur qu'il croise quasiment les pattes avant... Et voici maintenant comment l'a vu Jesús BERNAL, qui l'avait élevé : " "PASIÓN" fut complet de bout en bout. Il a aujourd'hui [2.015] 8 ans. Il possède un grand trapío, mais il n'est pas grand. Quand tu le mets avec le semental de GARCIGRANDE, tu vois la différence. L'an passé, nous avons tienté ses premières filles, de bon niveau. Lui, il embista comme une locomotive, l'enfoiré !" C'est cette charge inlasable et par le bas, après une excellente pique et une autre assez discrète, qui lui a valu la pétition d'"indulto". Et c'était le jour même où venait d'être annoncé à Arles le classement de la tauromachie au Patrimoine Culturel Immatériel français...
Parmi les fils les plus fameux de "FERMENTADO 40" [voir GARCIGRANDE], on trouve "BONDADOSO 5" : né en 2.000 et marqué du fer Domingo HERNÁNDEZ, il a été grâcié à Córdoba par "FINITO DE CÓRDOBA" en 2004. Justo HERNÁNDEZ : "Tous les fils du 40 vivent vieux. "BONDADOSO 5", qui est toujours [2015] sur les vaches à TRAGUNTÍA [donc chez Domingo HERNÁNDEZ], est un toro à part. Il donne un toro qu'il faut toréer la muleta sous les yeux et en le conduisant [en le menant, disent les Français] beaucoup. Plus tu lui mets la pression, plus il va loin. Plus tu lui baisses la muleta, plus il allonge sa charge. D'habitude, quand un toro reste court, les toreros qui ne le connaissent pas s'enlèvent ou donnent un toque fort. Lui, c'est le contraire : tu lui baisses davantage la muleta et il repart de l'avant. Il faut avoir confiance en lui. Mais "BONDADOSO 5" donne aussi un toro très compliqué. Il m'en est sorti quelques-uns le dimanche de Pâques à Arles, et "MANZANARES" leur avait coupé 4 oreilles [probablement en 2014]. Mais il fallait oser se mettre devant. Il est sorti aussi de "BONDADOSO 5" une autre branche qui est longue à s'échauffer, mais quand ils démarrent, ils ont beaucoup de rythme et s'ouvrent beaucoup. Ces toros passent parfois pour pires qu'ils ne sont. Mais c'est positif pour le spectacle parce que personne ne leur voit de possibilités, sauf le torero, jusqu'à ce qu'ils rompent enfin... et le public en attribue tout le mérite au torero. Mais pour qui sait voir, dès le premier capotazo, on devine leur potentiel. Tant qu'il ne s'arrête pas, l'enfoiré, il ne montre pas ses qualités. Mais quand il se décide, sa vertu est évidente. Aussi bien dans le Domingo que dans le GARCIGRANDE." Là, on peut constater que même le bon toro de la ganadería n'est facile qu'en apparence... Et tout cela grâce au manso "FERMENTADO 40" !

La source des succès remonte loin... En 2015, Domingo HERNÁNDEZ commente ses succès. "Cela fait plusieurs saisons que nous sommes au sommet. C'est en partie grâce à mes choix initiaux, quand je retirais des camadas tous les toros mal faits. Je voulais m'élever. Quitter les pueblos qui ne servent à rien. Je voulais vendre au meilleur prix, celui que l'on paye aux corridas vedettes. Au début, on me donnait des miettes. Et comme "MATILLA" disait partout qu'il achetait tous mes toros, personne ne s'approchait." Pour arriver à ses fins, Domingo a su courir le risque et résister avec toute son habile prudence de paysan : "Avec "JESULÍN" d'abord, puis avec "JOSELITO", j'ai réussi à creuser mon trou. "JOSELITO" est un de ceux qui ont combattu le plus nos toros ; il nous amenait dans beaucoup d'arènes et cela nous a aidés. Jesús BERNAL, le mayoral de notre finca de TRAGUNTÍA [élevage Domingo HERNÁNDEZ], disait qu'avec lui, cela suffisait et que nous pouvions nous passer de "MATILLA"... "
Le toro de Domingo HERNÁNDEZ est un toro plus volumineux, plus lourd, plus charpenté que celui de GARCIGRANDE, bien qu'en augmentant la proportion de sang juanpedro, on ait un peu baissé le type. Pur juanpedro, le toro de GARCIGRANDE, lui, est plus fin, même quand il lui arrive d'avoir une corpulence supérieure. Jesusito, fils du mayoral Jesús, explique : "Dans les arènes qui exigent un toro plus grand, ceux d'ici sont mieux indiqués que les autres. Ils en imposent davantage. Les autres pèsent souvent peu. Tu vois un toro au campo, tu lui donnes 500 kg à vue d'oeil ; quand tu le mets sur la bascule, il en fait 420 et on te le renvoie à la maison."
Jesusito apporte une précision qui a son importance : "Les toros d'ici ont un gabarit supérieur grâce au croisement avec Amelia et Domingo. L'apport DOMECQ a apporté la qualité et le fond. De Domingo, il reste peu de familles. La base du croisement est plus consolidée sur la part d'Amelia. Ses vaches embistent bien mais elles meuglent beaucoup."
Par ailleurs, Domingo HERNÁNDEZ veille beaucoup sur le type des mères.
Voici une anecdote savoureuse, et révélatrice ! "Je me souviens qu'un jour, j'ai amené mon beau-père [José ESCOLAR GARCÍA, dit PICHORRONCO] ici et que je lui ai fait visiter les cercados (enclos) : ici un lot de 40 vaches avec un semental, là un lot de 30 avec un autre... 10 lots en tout. Il ne disait rien, mais à la fin il a craqué et dit à la cantonade : 'Mon fils José [José ESCOLAR GIL] ne va pas te faire d'ombre. Avec ce que je vois, tu ne peux que triompher !' Avec mon beau frère José [le même José ESCOLAR GIL], nous avons des conceptions très différentes en matière d'élevage. Le toro mauvais, il ne le voit que chez les autres... et surtout chez moi !" Évidemment, avec chez l'un une ganadería dure, et chez l'autre une ganadería prisée les vedettes, ils n'ont pas la même philosophie, encore que Domingo reste un éleveur à l'ancienne, malgré tout de sensibilité torista ; c'est surtout son fils, Justo HERNÁNDEZ ESCOLAR, qui "modernise" l'élevage. Si bien que la competecia entre les 2 beaux-frères n'est pas un faux-semblant.

Voici encore 2 anecdotes, rapportées ici parce qu'elles sont significatives et de la relation de l'homme avec les toros qu'il élève, et de la nature du toro de combat :
° Dans un enclos, Jesús père et fils chouchoutent un utrero [3 ans] colorado avec lequel ils entretiennent des relations privilégiées : "ARISCO" (revêche : un comble !), avec Jesús père sur la photo. "On ne le lidiera pas, bien sûr, dit Jesusito. Sa mère est morte quand il venait de naître et un renard lui avait mangé la queue. Nous l'avons sauvé et élevé au biberon." Les deux Jesús le visitent chaque jour et lui apportent quelques gâteries [sans cet apprivoisement journalier, il ne se laisserait pas approcher]. Tandis qu'"ARISCO" les savoure, ils lui caressent le cou, ce dont le novillo raffole. "Le jour où nous l'avons marqué, les petits-enfants de Domingo [HERNÁNDEZ] se sont mis à pleurer et lui disaient : 'Pas lui, grand-père, pas lui'... Mais c'était obligé." Or ce jour-là, "ARISCO" ne se plaignit pas ni ne protesta. Tout juste s'il se montra quelque peu surpris et indigné de ce traitement. Il ne se fâcha pas. Cela n'empêche pourtant pas que tel ou tel éleveur se soit fait gravement blesser voire mettre en pièces par un toro familier élevé au biberon, apparemment "apprivoisé" depuis longtemps...
° "Quelques années plus tôt, nous en avions élevé un autre ainsi, raconte encore Jesusito. "Juan DEL ÁLAMO" le grâcia à Alba de Tormes. Il fut très brave. Pourtant, au campo, on aurait dit un mouton." Il est courant que le toro le plus placide au campo soit aussi le plus brave au combat. Le toro est un animal bien plus complexe qu'il ne semble.

Dans les cercados, la camada 2016 est divisée en 2 lots : 33 utreros pour les arènes de première et 60 pour celles de seconde. Soit 90 toros de Domingo HERNÁNDEZ pour l'année à venir. "JULI" en tuera au moins le tiers.
Toutefois, on notera que, les dernières années avant son décès, Domingo HERNÁNDEZ a eu deux épines dans le pied : Madrid y Salamanca. Mais à la dernière San Isidro (2017), il a lidié,sous le fer Domingo Hernández, la corrida la plus complète de la feria, et Enrique Ponce en est sorti a hombros. Quant à Salamanque, on y garde le souvenir de toros vraiment importants, tel "HIGUERO" gracié par Juan del ÁLAMO.


Les événements


Date : le 02/02/1985
Date : le 02/01/1986
Date : 1992
Date : entre 1998 et 2000
  • Cession de bétail :
    L'élevage Domingo HERNÁNDEZ MARTÍN vend ŕ l'élevage Antonio SAN ROMÁN un lot de ses tętes de nature inconnue (encaste jpdr).
    Il s'agit probablement de reproducteurs. L'encaste est du juan pedro (par absorbtion d'encastes voisins, eux-mêmes très proches du juan pedro). L'ajout est très cohérent.


Date : 02/2018
  • Cession de bétail :
    L'élevage Domingo HERNÁNDEZ MARTÍN lčgue ŕ l'élevage Domingo HERNÁNDEZ (2) la totalité de ses tętes de bétail (encaste domíngo hernández).
    À la mort de son père, en février 2018, son fils Justo HERNÁNDEZ ESCOLAR hérite de l'élevage au nom de son père ; tandis que GARCIGRANDE reste au nom de sa mère. De toute façon, cela fait des années qu'il est devenu le principal dirigeant des deux élevages de la famille...

  • Transfert/Cession de lieu :
      finca TRAGUNTÍA sur la commune Pozos de Hinojo

  • Transfert/Cession de lieu :
      finca JUARRO sur la commune

  • Dissolution :