FICHE ELEVAGE

Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO

Plan : 01.01



Ici commence la "nébuleuse DOMECQ". L'encaste juanpedro domecq, avec ses origines prestigieuses, sa caste et sa grande noblesse, a servi et sert encore de base à la plupart des plus prestigieuses ganaderías actuelles. Mais les enchevêtrements de la période des origines -au moins !- sont tels et si imprécisément renseignés que s’y retrouver relève de l’exploit : il reste beaucoup d'incertitudes. On fera ici "au mieux"…

En janvier 1930, Juan Pedro DOMECQ y NÚÑEZ de VILLAVICENCIO achète à Manuel MARTÍN ALONSO la ganadería des ducs de VERAGUA et son fer, acquis par ce MARTÍN ALONSO seulement 2 ans plus tôt. Des 1.137 têtes originelles de MARTÍN ALONSO, il ne reste plus que 250 vaches, plus un nombre indéterminé de mâles. Qu’importe ! En fait, Juan Pedro compte sur la caste vistahermosa, bien plus que les vazqueños-veragua : il s’agit pour lui de s'adapter aux goûts des publics, dont la sensibilité a évolué vers l’expression artistique, et aux évolutions de la corrida qui en découlent dans le sens de cette tauromachie nouvelle initiée à très haut niveau par José GÓMEZ ORTEGA ("GALLITO" ou "JOSELITO") et Juan BELMONTE. Pour la grande satisfaction des publics, la faena de muleta devient le cœur de la corrida, au détriment des affrontements violentissimes à la pique, qui avaient fait la gloire des veraguas. Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO aura en outre la grande chance de bénéficier du flair et des judicieux conseils du grand ganadero Ramón MORA FIGUEROA FERRER, qui mériterait d'être davantage connu. L'avenir confirmera son choix. Ô combien !...

Le grand voyage vers le Sud
Juan Pedro commence par amener le troupeau de ses veraguas dans son excellente finca de "JANDILLA", à Vejer de la Frontera (Cádiz) : elle va devenir le sanctuaire et l'adresse de référence de toutes les futures branches ganaderas d'encaste "juanpedro". Il fait annoncer la ganadería "Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO".
Les mâles veragüeños [seulement les reproducteurs, disnt certains...], dont pas mal de jaboneros et autres berrendos, sont rapidement transportés par train en cajón depuis les terres froides des sierras madrilènes. Les vaches, accompagnées du reste du bétail, des cabestreros, des vaqueros et du personnel auxiliaire, voyagent à pied -ou plutôt à pattes !- par les sentiers de transhumance (les cañadas en espagnol ; les drailhes/drailles, en occitan), aujourd’hui presque tous disparus. Le chemin Madrid-Cádix représente près de 700 kilomètres : il y aura fallu une bonne 30aine de jours. Quelle transhumance ! C’est la marche inverse de celle qui avait eu lieu 100 ans plus tôt, à la mort de Vicente José VÁZQUEZ, quand le roi FERNANDO VII avait acquis le bétail vazqueño et qu'il lui avait fait quitter les terres andalouses d'Utrera pour les alentours de la capitale : Aranjuez, à 50 km au sud de Madrid.
Álvaro DOMECQ DÍEZ (1917-2005), 4e fils ganadero de Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO, approchait alors les 14 ans. Il se souvient des grandes vaches jaboneras appelant dès l’aube leur veau perdu dans la brume, des vaqueros vêtus de corto avec leur barbe de 8 jours et leur voix rauque en raison de la rosée matinale après des nuits à la belle étoile, allongés sur leurs zahones et enveloppés dans une simple couverture. Rien n’était laissé au hasard. Le trajet était reconnu à l’avance, et chaque étape soigneusement prévue : l’enclos où stationner durant la nuit, le puits où s’abreuver, les chemins à prendre, les routes à croiser…
Álvaro DOMECQ se souvient d’ailleurs aussi des énormes veraguas conduits à cheval au galop lent, pour la feria de Seville, jusqu’à "LA VENTA DE ANTEQUERA" où ils resteraient jusqu’à leur ultime voyage à la "MAESTRANZA"….

Une grande aficion qui a su s'entourer
Voici donc les veragüeños à la finca de "JANDILLA". Elle est en passe de devenir le berceau de la famille ganadera qui aura le plus influencé l'évolution de la tauromachie moderne, que ce soit par ses propres produits, obtenus selon ses propres critères ou, grâce à sa renommée, par ses ventes de bétail à un nombre incalculable d'éleveurs, soit pour créer des élevages, soit pour améliorer des élevages existants.
Le "patriarche" ganadero Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO a incontestablement laissé à ses descendants une immense passion pour l'élevage du toro bravo. Comment l'aficion ne lui en saurait-elle pas gré ? Il montre une grande intelligence pour s'adapter à l’air du temps, qu'il remarque tout de suite (qualité dont l’excès pourra aussi devenir un défaut par la suite !...). Il commence par demander conseil à un grand ganadero contemporain : Ramón MORA-FIGUEROA FERRER, qui est né dans la fine fleur des toros. N'est-il pas le fils de la Francisca FERRER, marquesa viuda de TAMARÓN, ganadera de purs parladés depuis 1911/1912, devenus ensuite la source de la ganadería du Conde de LA CORTE en 1920 ? Ramón et son frère Jaime MORA-FIGUEROA FERRER ont entrepris dans la ganadería de leur mère une sélection de haute qualité ; Ramón apporte ensuite ses compétences dans la ganadería du Conde de LA CORTE. À partir de 1932, les deux frères, puis en 1935 Ramón seul, deviennent directement ganaderos sous leur propre nom, avec une partie des parladés de leur mère, plus des parladés issus de la branche pedrajas.
De fil en aiguille, Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO noue une grande amitié avec Ramón ; les deux familles se rapprochent tant et si bien que cela finira par un mariage entre leurs enfants : José Ramón MORA-FIGUEROA DUJAT DES ALLIMES (1905-28 juin 1989) épouse Carmen DOMECQ DÍEZ (1911-2010). Juan Pedro devient ainsi le beau-père du fils de Ramón.

C’est, semble-t-il, sur les conseils éclairés de Ramón MORA-FIGUEROA FERRER que, dès 1931, Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO achète à Agustín MENDOZA, Conde de la CORTE, 27 becerras (probablement toute une reata, une famille), accompagnées, comme sementales, par deux machos : "CARABELLA" et "LLORÓN" nés en 1930. Non content de cela, il lui achète encore, quelques mois plus tard, le semental "CHUCERO", né en 1931 [non pas 1 mais 5 sementales disent certains : qui croire ?...]. On peut supposer que les sementals sont choisis selon leur famille (reata), car on ne pouvait guère les tienter aussi jeunes…
En 1932, il revient acheter 15 becerras de plus et le semental "BODEGUERO", né aussi en 1931.
Tout ce bétail est du pur lacorte, et marqué du propre fer d’Agustín MENDOZA, Conde de la CORTE. Le bétail de la CORTE étant lui-même du pur vistahermosa par Eduardo IBARRA, Fernando PARLADÉ, et la Marquesa viuda de TAMARÓN, où son fils Ramón MORA-FIGUEROA FERRER a beaucoup œuvré pour affiner les parladés dans le sens de cette tauromachie nouvelle, intronisée par "JOSELITO" et BELMONTE qui font de la faena de muleta le cœur de la corrida, au détriment des piques qui avaient fait la gloire des veragua. Il continue à œuvrer chez Juan Pedro et, semble-t-il, à collaborer assez étroitement avec le conde de LA CORTE. Moins que bien d'autres sur le devant de la scène, Ramón MORA-FIGUEROA FERRER n’en est pas moins un grand artisan du toro "moderne".

Comment Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO gère-t-il son troupeau ?...
Rámon MORA-FIGUEROA FERRER est donc, depuis le début, le mentor taurin de Juan Pedro DOMECQ y NÚÑEZ de VILLAVICENCIO et de ses enfants. Ils vont générer ensemble un type de taureau bien différencié de ceux issus des autres branches parladé.
Le toro vazqueño, trop sauvage (bárbaro) à la sortie et peu mobile au dernier tercio, ne répond plus à ce qui est attendu du toro moderne. Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO, conseillé par Ramón MORA-FIGUEROA FERRER et poussé par ses fils, accélère son avènement. Comme "JOSELITO" l’avait prévu, l’avenir résidait dans la caste vistahermosa, dont la bravoure naturelle est accompagnée de davantage de noblesse et de durabilité. La lignée PARLADÉ-TAMARÓN-CONDE DE LA CORTE-DOMECQ est celle dont l’avènement est en train de précipiter la disparition des veraguas, que leur couronne ducale ne suffit plus à protéger.
Voilà pourquoi Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO croise ses vaches veragüeñas avec les sementales parladé achetés au Conde de LA CORTE. De génération en génération, la dilution du sang veragua s’accentue : les 2 sangs s’équilibrent à la 1ère génération (50%-50%)… à la seconde, le parladé atteint 75 % en croisant les vaches de la 1ère génération avec les sementals pur parladé… puis 87% en procédant de même : vaches de la 2e génération avec sementals parladé… et 95% en continuant de même. Si l’on compte un minium de 4/5 ans pour passer d’une génération à l’autre, il faut au moins 16/20 anspour en arriver aux 95 % de sang parladé. Etc… On parle alors de croisement par absorption ; 4 générations y suffisent. En outre, rien n’empêche d’avoir, dans le troupeau, du bétail de toutes les générations de croisement, ainsi que des subtilités de croisement entre générations différentes... Bien malin qui en saura davantage !

Vue cursive sur la suite...
De l’origine vazqueña, il ne restera d’abord que de vieilles vaches venant du Duc de VERAGUA, ainsi que quelques familles conservées pures par précaution (en cas de cas….). Au fur et à mesure, la ganadería des Juan Pedro DOMECQ successifs s’affirmera comme le grand laboratoire de la bravoure sophistiquée, la persistance de témoins de la maison VERAGUA calmant un peu la tempête…
Ce croisement, fortement orienté sur l'encaste parladé du Conde de LA CORTE, fait qu'il ne restera bientôt plus que quelques robes des taureaux pour rappeler les origines vazqueñas du troupeau. En 1937, l'élevage sera repris par les quatre fils de Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO. Ils renforceront encore le sang parladé en ajoutant du sang TAMARÓN par Ramón MORA-FIGUEROA FERRER (en fait, du pur parladé de sa mère X du parladé-pedrajas de GARCÍA NATERA) ainsi que du pur parladé du CONDE DE LA CORTE.
Dans la suite du "patriarche" Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO, tous les "Juan Pedro" successifs rechercheront aussi un toro du goût des figuras, mais qui plaise également à l'aficionado (nuance qui sera parfois trop négligée...). Pour cela, chacun à sa manière, ils cherchent une morphologie idéale pour que le toro s'exprime au mieux dans le ruedo. C'est pourquoi ils affinent le type et façonnent un toro harmonieux, plus bas, au cou long afin de faciliter ses charges.
Dans les années 2010, l’actuel ganadero, Juan Pedro DOMECQ MORENÉS dira que sa ganadería est à 98% parladé. Ce chiffre global recouvre très probablement une certaine diversité selon les familles. Mais bien malin qui en saura plus… et le dira ! En tout cas, le croisement par absorption peut être considéré comme globalement achevé (même s'il reste probablement de quoi pouvoir un peu "revenir en arrière" si nécessaire).

Les tout-premiers "juanpedro"
La première novillada de Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO est lidiée à Cádiz le 5 avril 1931. Ce sont encore de purs veragua, forcémnt!
le 12 avril 1931, les ex-toros de VERAGUA, alors devenus Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO, courent pour la première fois à Barcelone. Domingo ORTEGA y reçoit un puntazo dans la fesse, un mois après avoir pris l’alternative. Mais cela ne va pas l’empêcher de devenir le numéro 1 de sa génération, en ce qui concerne les toros difficiles, grâce à son exceptionnel dominio sur ce genre de toros… dont les veraguas de Juan Pedro DOMECQ. Pour autant, sa notoriété ne va pas empêcher les jours des veragüeños d’être comptés, bien qu’ils soient encore présents ici ou là.
Le 17 juin 1931 a lieu sa présentation à Madrid : lors de l’inauguration de la nouvelle (et actuelle) plaza madrilène de "LAS VENTAS DEL ESPÍRITU SANTO" (ici en 1929), le premier taureau lidié appartient, au titre de l’ancienneté de son fer, à la caste vázquez, représentée par un veragua de Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO. Il s’appelle "HORTELANO". Son matador est Diego MASQUIARÁN TORRÓNTEGUI "FORTUNA", matador basque de Sestao.
Le 25 juillet 1932, à Barcelone, "MOCITO", jabonero sucio, est honoré d’une vuelta al ruedo posthume. Toujours de purs veragua.
Des 5 années suivantes, il reste peu de traces. Cela semble, somme toute, assez normal puisque la grande préoccupation du ganadero est alors de préparer l'avenir en absorbant peu à peu le sang veragua dans le sang parladé des lacorte.

La naissance de la nébuleuse DOMECQ
Juan Pedro DOMECQ Y NÚÑEZ DE VILLAVICENCIO meurt à 56 ans, le 20 mars 1937. La ganadería passe à ses 4 fils, les DOMECQ DÍEZ : Juan Pedro (1913-27 août 1975), Pedro (1914-2003), Salvador (1916-2005) et Álvaro (1917-2005). Il semble que le partage se soit fait rapidement en 4 lots, comprenant chacun une petite lignée de pur veragua, mais que l’ensemble soit resté quelque temps uni en tant que "HIJOS DE JUAN PEDRO DOMECQ VILLAVICENCIO", sous la direction de Juan Pedro, le fils aîné ; lequel, à ce titre, hérite seul du fer (plus tard, il reviendra de même à son fils aîné Juan Pedro DOMECQ SOLÍS).
Des anciens veraguas, les DOMECQ Y DÍEZ ne garderont que quelques vaches exceptionnelles. Toutefois Álvaro DOMECQ Y DÍEZ, infatigable chercheur de la caste, gardera malgré tout quelques lignées veragua pures, qu’il augmentera encore d’un apport d’origine BRAGANZA (un cadeau du roi FERNANDO VII au roi MIGUEL de Portugal, duc de BRAGANZA, en 1832) acquis par Álvaro dans la ganadería de Curro CHICA, lequel avait lui-même acheté ces veraguas directement au Duc de BRAGANZA. Quant à Salvador DOMECQ Y DÍEZ, il vendra le lot qui lui est échu à José Enrique CALDERÓN, le ganadero de Marchena ; par chance, CALDERÓN, peu préoccupé par la mode, décidera de se consacrer à sauver l’encaste veragua, évitant ainsi sa disparition quasi totale.
Les partitions et ventes ultérieures donneront naissance aux diverses lignées DOMECQ. Ce qui n’empêche ni la formation, dans la famille DOMECQ, d’autres ganaderías issues d’encastes différents, ni la formation de ganaderías d’encaste domecq mais n’appartenant pas à la famille DOMECQ. La nébuleuse DOMECQ est sur sa rampe de lancement…

D'un ganadero à un autre
On pense souvent que Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO n'a pas cédé de bétail. Ce n'est pas tout à fait juste. En 1931, il vend des veraguas au Marqués de CASTRONUEVO (il s'agit très probablement de Luis JORDÁN DE URRÍES y ULLOA CALDERÓN, Marqués de CASTRONUEVO y de CONQUISTAS), qui est en train de constituer sa ganadería.
En 1937, ses 4 fils DOMECQ y DÍEZ (Juan Pedro (1913-27 août 1975), Pedro (1914-2003), Salvador (1916-2005) et Álvaro (1917-2005)héritent de la ganadería. Ils vont rester unis quelque temps sous l'appdellation Hermanos DOMECQ DÍEZ, puis se sépareront.


Les événements


Date : 01/1930
Date : 1931
  • Cession de bétail :
    L'élevage Conde de la CORTE vend à l'élevage Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO 27 vaches (encaste lacorte).

  • Cession de bétail :
    L'élevage Conde de la CORTE vend à l'élevage Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO 2 etalons (encaste lacorte).
    Ce lot de vaches, constitué de 27 becerras, représente probablement toute une "reata" (lignée/famille) de l'élevage de la CORTE. Il est accompagné de 2 sementales potentiels : "LLORÓN" n°33, et "CARABELLA" n°38 ; tous deux sont nés en 1930.

  • Cession de bétail :
    L'élevage Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO vend à l'élevage cstrnv une quantité inconnue de têtes de nature inconnue (encaste veragua).
    Le Marqués de CASTRONUEVO est en train de constituer son élevage : c'est l'une de ses 3 sources. Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO n'a certainement pas de difficulté à se dessaisir de bétail qu'il n'a pas l'intention de conserver tel quel. Mais quelle est au juste la nature de l'achat, et sa quantité ?... On peut, tout de même préciser qu'il s'agit de vaches et de toros veragua, et que le marquiS de CASTRONUEVO ajoute à ce lot : des vaches de Bernardo ESCUDERO BUENO, certainement d'encaste albaserrada 2, ainsi que des vaches et des sementales de Santiago SÁNCHEZ RICO d'encaste contreras.


Date : 06/1931
  • Cession de bétail :
    L'élevage Conde de la CORTE vend à l'élevage Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO 1 etalons (encaste lacorte).
    Le mois de juin est simplement destiné au classement informatique Quelques mois après son premier achat, Juan Pedro DOMECQ VILLAVICENCIO achète un autre semental potentiel : "CHUCERO" n°5, né en 1931.


Date : 1932
Date : 03/1937